Après l’EP Silent Scars (paru fin 2020), le binôme colmarien Fragile Figures (incarné par Kai Reznik [guitare & machines] et Julien Judd [basse]) présente son premier format long. L’ambition ne fait guère de doute. L’aventure démarre par une longue hypnose tendue et cinématographique, "The collapsing Parts I & II". Il fallait oser : la percussion programmée de Fragile Figures instaure immédiatement quelque chose de froid et mécanique, et qui se maintient par la suite dans ces armatures, toutes de suggestivité et d’économie. Les guitares jouent un rôle d’importance, créent d’ineffables élégances par-dessus d’austères trames. Leurs reliefs organiques humanisent et donnent une chair à des ensembles filmiques et abstraits. Il y a un clair-obscur. L’écriture a monté d’un cran.
Peu bavardes dans leurs phrasés, les guitares insistent sur la note et créent l’effet de latence. Un héritage coldwave/post-punk se ressent dans les canevas économes des six-cordes et de la froide et dure basse de Judd ("Noar" et ce final "Mute", dont les guitares descendantes nous rappellent – dans un rendu moins opaque – les pentes déclinantes du Faith de Cure, celles de leur "Carnage Visors").
Mais Fragile Figures ne font pas une musique spécialement classable, ce qui crée son intrigue. Le machinisme est abouti et la colorimétrie tire vers les teintes automnales voire froides : nature décatie, urbanité morne. En même temps, Fragile Figures aiment jouer avec les rythmes, couchant des guitares aux reflets anxiogènes par-dessus des frappes invitant à la danse, sans la rendre confortable (tension intéressante que celle d’"Alkaline Cloud"). Anemoia : une cinématographie, une intention qui se concentre.