Le patronyme Frett ne vous dira peut-être rien, mais il s'agit bien là du nom de famille de la moitié du projet post-industriel culte Job Karma qui, en plus d'avoir officié pendant plus de vingt ans et d'avoir produit quelques albums incontournables, est aussi à la base du fameux Wroclaw Industrial Festival. Donc inutile de le dire : l'héritage industriel, Maciek Frett le connaît bien. Son projet combine aussi bien un son electro-indus digne de formations des années 1980 (The Klinik, Clock DVA) mais y ajoute aussi des éléments plus techno/IDM, un chant proche du power electronics, tout en maintenant les ambiances sombres et post-apocalyptiques qui avaient fait la marque de fabrique de Job Karma.
Même quand les titres sont plus martiaux et agressifs ("Flag"), ils n'en oublient jamais de susciter une atmosphère de tension froide. Le lien se fait alors entre musique électronique rythmique et rituel de possession. Il suffit d'écouter l'hypnotique "Two Cups" pour s'en rendre compte. Et si "Trust" arbore un beat plus accessible, il n'en demeure pas moins que le chant porte quelque chose de désespéré alors que les nappages synthétiques restent assez frigorifiques. Une musique qui s'écoute mieux dans le noir, tout en donnant envie de bouger. Cela dit, "The Light" lorgne du côté de la facette la plus ambient de la musique industrielle, nous enveloppant de tas de sons enivrants autour d'une ritournelle minimale sur trois notes. Les voix d'Anna Frett apportent aussi une touche fort bienvenue, juste magistrale sur "Isolation" qui nous renvoie aux meilleurs titres de Dive, également signé sur Ant-Zen.
Il ne faut pas oublier non plus que Job Karma était un projet aussi bien visuel que sonore. Et ces huit titres, disponibles aussi bien sous format CD que vinyle, nous rappellent à quel point cette musique peut générer des images dans nos têtes. Alors bien sûr, on serait plus dans des imaginaires de dystopie urbaine, mais écoutez "Judge" en fermant les yeux, tout un univers s'ouvre alors. Avec des textes inspirés du Book Of Lies d'Aleister Crowley, The World As A Hologram s'inscrit dans une tradition musicale établie mais avec beaucoup de maîtrise et une capacité innée à amener l'auditeur dans un monde sonore qui ne le lâche pas.