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Livre
24/11/2021

Frédéric Pizzoferrato

Une Étude En Jaune | Giallos & Thrillers Européens

Editeur : Artus Films
Genre : anthologie
Date de sortie : 2021/11/05
Note : 88%
Posté par : Mäx Lachaud

Rendu populaire et très influent par le travail majestueux de Dario Argento qui relança plusieurs fois le genre à lui tout seul (L'Oiseau Au Plumage De Cristal, Les Frissons De l'Angoisse, Ténèbres), le giallo est à la fois extrêmement codé... mais avec des limites assez floues. Allant de purs récits de machinations, d'influences hitchcockiennes teintées de psychanalyse jusqu'à des bizarreries labyrinthiques et expérimentales, on peut dire pour résumer que c'est un cinéma d'exploitation italien qui a connu son heure de gloire entre la fin des années 1960 et le début des années 1980 où on trouve du gore, du sexe et des intrigues policières alambiquées. La ritualisation du crime en est le centre, avec des mises en scène particulièrement élaborées, une prédominance de la forme sur le fond, un travail sur les couleurs non naturalistes et une bonne dose d'érotisme, de sadisme et de voyeurisme.

Même si les origines sont littéraires (la collection jaune) et combinent un héritage du krimi à l'allemande, avec un précurseur notable comme Les Diaboliques (1955) de Clouzot, le giallo démarre véritablement avec La Fille Qui En Savait Trop et surtout Six femmes Pour l'Assassin (1964) de Mario Bava [image ci-dessous], avant que Dario Argento n'en transcende les codes pour susciter un nombre hallucinant de copies. Car ce qui est fou quand on se plonge dans cet ouvrage luxueux, foisonnant d'affiches géniales et de visuels de haute tenue, c'est le nombre de films qui rentrent dans cette catégorie. Plus de deux-cent-cinquante sont analysés ici, et je dois bien avouer qu'aussi cinéphile que je puisse être, j'en connaissais tout juste le quart.

Car ce qui est jouissif ici, c'est de se dire que derrière les œuvres des maîtres Argento, Bava, Fulci, Martino ou Lenzi, il existe une masse de films, pas forcément géniaux et mémorables, mais dont on est sûr qu'il y aura au moins une séquence qui vaut le détour. C'est ce que fait ici l'auteur, aidé par quelques plumes avisées : il nous offre un guide des œuvres à découvrir d'urgence ou à éviter pour tous ceux qui s'intéressent à ce filon, qui est aussi un miroir de l'Italie de l'époque (voir aussi l'ouvrage d'Alice Laguarda, L'ultima Maniera, chez Rouge Profond pour un contexte socio-historique poussé). Il nous donne aussi et surtout un historique et un panorama du genre sur plus d'une cinquantaine d'années. Et c'est précieux en soi pour tous les amateurs de cinéma.

Nous ne nous attarderons pas sur des titres, tant il y a de films notables ici. Ce giallorama, qui pourrait être comme un dictionnaire, est divisé en trois parties : la première époque (1962-1979) qui correspond à l'âge d'or du thriller européen, la seconde époque (1982-1999) où le néo-giallo s'inspire grandement des succès du slasher américain (Halloween, Vendredi 13) et se contente parfois de n'être que thriller érotique, puis une troisième époque, à partir des années 2000, où tout n'est que déclinaisons, hommages et renouveau, comme avec le cinéma fascinant et sensoriel d'Hélène Cattet et Bruno Forzani qui préfacent cet ouvrage. On trouve aussi à la fin un bon nombre de curiosités influencées par le genre, une annexe comprenant tous les acteurs et actrices emblématiques et quelques titres supplémentaires pour les complétistes. C'est dense, riche, massif, et cette Étude En Jaune combine à la fois les meilleurs aspects d'un fanzine de grande classe et le beau livre de référence vers lequel on sait qu'on retournera souvent.