Formule détonnante. On part d'une base fortement connectée avec Pixies : basse ronde en avant, batterie sèche et rock'n'roll ("Persistence" et "Saddle up"). Voici pour l'entrée en bouche évidemment accrocheuse en quelques secondes. On pourrait s'arrêter là car les groupes qui ont pompé les Pixies sont légions et leurs disques. Sauf que... Fuzigish sont des malins, et n'ont en fait pas grand-chose à voir. Il y a d'abord ce cuivre qui tonne, sans sonner surf-music ni mariachis. Il y a ensuite cette voix bien plus énervée et qui rameute un frisson plus typé hardcore et confrérie virile.
On peut facilement établir alors un autre lien vers la scène punk-rock du tournant du XXIème siècle, Rancid et autres Mighty Mighty Bosstones, d'autant plus que Fuzigish s'est formé à cette période. Un hommage aux Dead Kennedys peut s'entendre dans les tremblements de la voix et l'originalité des instrumentations sur "Believer", un autre joue la carte tendre des années Clash ("No Wrong no Right"). Mais le groupe ne se réduit pas non plus à cela, sonnant trop moderne dans ses intentions : ce n'est pas du punk-rock direct (sauf sur le classique "The Writings on the Wall"), il y a davantage d'émotions et de longueurs ; les finesses de jeu dérogent à la recherche d'une efficacité dans l'agression ("This is What I know").
Même lorsque c'est la fête qui s'invite, le groupe pivote de biais pour se faire tout de même un peu hargneux (le ska garage de "N.S.D.P."). Plus loin, il claque un interlude un poil ringard et second degré, pour le plaisir ("Redefine"), avant de surprendre dans un registre rock indépendant joliment troussé ("Man down").
Cette magie dans la formule, évitant les classements trop étriqués, Fuzigish la doit à son implantation. Le groupe officie en Afrique du Sud, pays à la fois ouvert et éloigné, comme l'Australie. Fuzigish fête aussi sa vingt-cinquième année d'existence avec ce sixième album. On ne vous fera pas le coup de la maturité, puisqu'on ne connaissait pas ce groupe avant la campagne promotionnelle de leur agence. Il reste qu'en quelques minutes d'écoute, et deux morceaux, la décision de chroniquer était prise. Quelques écoutes plus tard, on a pu digérer les multiples paysages dévoilés et on savoure cette découverte.