Tout l'album est rythmé par la scansion répétée ad libidum en anglais "Comme ceci peut-être, ou comme cela" : c'est elle qui fait titre et donne sens à ce qu'on absorbe. Les compositions s'enchaînent une fois passé ce rappel qui marque le début d'un titre ou la fin du précédent (une exception avec un léger décalage pour la transition de "Dustil" à "Liber"). Les climats urbains et descriptifs créent un cadre fortement évocateur, plongeant ce disque du côté des maîtres créatifs que sont actuellement 2Kilos &More, ou que furent les B.O. des films Ghosts Of The Civil Dead réalisée par Nick Cave, Mick Harvey et Blixa Bargeld ou encore celle du Europa de Lars Von Trier, composée par Joachim Holbek (c'est "Bagd" qui me lance sur cette référence).
Pour compléter ces tendances, Thierry Merigout de Geins't Naït (autrefois avec Vincent Hachet) s'est désormais associé avec Laurent Petitgand depuis plusieurs années (albums Je Vous Dis, puis Oublier, enfin Make Dogs Sing), lequel est un collaborateur régulier de Wim Wenders (depuis Tokyo-Ga). La tendance industrielle pimente de tonalités à la Young Gods le titre "37", fortement connoté scène-d'émeute-en-audio avec ses bris de verre, ses tirs de LBD, sa foule qui crie, et sa lente symphonie éreintée (on songe aussi à F.M. Einheit). "Guido" avec ses bruits de pas sur flaques et ses grincements évoque le Coil de Horse Rotor Vator. Toutefois, c'est une douce somnolence, liée à la rêverie qui l'emporte (comme sur la tendre mélancolie parasitée de "Naga").
Avec l'arrivée des paroles en français du morceau "Chut" et son délicat mantra "Je t'aime, c'est ma devise", on obtient le faîte du disque. Cette acmé ne retombe pas. La formule est classieuse : plusieurs niveaux sonores (field recording, saturations ou souffles), rythme langoureux façon trip-hop voire dub ("Hac"), pistes de cris, un piano – ou un violon sur "Naga" et "Dustil", ou un cuivre sur "Liber" – une guitare mixée en retrait (bien perceptible sur "Liber", car quasiment heavy !) et une voix pour structurer le tout. L'ambiance est au spleen, générant des tableaux vivants, parfois suspendus le temps d'un parasitage en règle ("Pecno").
L'ensemble prend la forme de collages sonores et l'aspect cinématographique fonctionne à plein, sans que soit nécessaire de visualiser des images. Les sons portent et font sens, par eux-mêmes. C'est un grand disque de chevet, comme ceux cités tout au long de cette chronique.