Ainsi donc, ils sont de retour : Girls Under Glass, parmi les derniers en date des fers de lance 80’s à nous faire le coup dans la mouvance gothique, et dans les musiques amplifiées tout court. Un EP est sorti en parallèle de ce nouveau format long, sur lequel chante l’ancien frontman et fondateur Thomas "Tom" Lücke. Une affaire de famille, temporairement (?) recomposée. Mais c’est bien Volker "Zaphor" Zacharias (ex-Cancer Barrack, avec lequel Tom a partagé le chant sur scène récemment) qui sur Backdraft prend de nouveau place au micro.
Les Hambourgeois connaissent l’enjeu du début d’un disque, et la prise de risques est minimale avec "Nightkiss" : gothic rock moderne, élancé, ambiancé. Le décor est posé, de vieux fantômes resurgissent ; mais ce son donne bien moins frontalement dans l’organicité du gothic rock qu’un Flowers (1989). À poser un décor, "Nightkiss" n’a pas prédéfini ce qui va se passer par la suite. Assurément, l’optique se veut dans son temps et la suggestion incendiaire du titre Backdraft ne transporte nulle cendre nostalgique : retour de flamme n’est pas forcément rewind ou autres back to the roots. Par contre et si vous êtes familier des tendances technologiques de GUG : pas de profond dépaysement à attendre de Backdraft. Se réinstalle un univers, et la part des guitares dans le mix restera, somme toute, assez discrète. En témoigne à l’extrême le technoïde "Eiskalt / Sunburst", auquel DerHarms met son grain de sel.
Non que les guitares meurent. Au cœur du beat et des linéaires armatures numériques du single "We feel alright", elles produisent encore une substance organique, vitale, ornementation qui insuffle une salvatrice énergie rock. Elle porte aussi le spleen : belle ballade que "No Hope no Fear", laquelle a presque l’envergure d’un nouveau classique. Il y a aussi de la fantaisie, une cinématographie. Sur "Endless Nights", les effets sur les voix transportent vers le malaise d’un Skinny Puppy, mais le propos s’ancre ensuite dans un dancefloor rock théâtralisé, un peu convenu dans le genre.
Il n’en demeure pas moins : une ambition est à l’œuvre. Backdraft est un disque que ses artisans ont souhaité finir au mieux. L’invitation, phénomène récurrent dans le contenu, témoigne de cette ambition. Mortiis participe aux festivités le temps d’un "Tainted" hypnotique. Le morceau a sa puissance, son pouvoir d’évocation, il reste en vous. Séduit aussi ce feeling post-punk/coldwave, qui demeure dans la linéarité de certaines basses, quand bien même elles prendraient une forme synthétique : c’est le cas sur "Tanz im Neonlicht". Ici s’invitent des guitares death rock acides et économes dans leurs phrasés, là encore assez menues au mix. Petit regret de plus.
Mais une direction artistique ne se discute pas vraiment et le collectif hambourgeois sait terminer les choses : "Heart on Fire", celui par lequel tout se termine, voit le groupe se débarrasser de ses oripeaux dancefloors pour se concentrer sur l’intériorité. Petite merveille filmique et ambiante, il conclut avec simplicité et force un ensemble dont la caractérisation ne passe toujours pas, ouf, par une étiquette unique. Les dynamiques dansantes dominent Backdraft et des choix de production clairs donnent au cru une cohérence de forme. En 2023, Girls Under Glass rallume la flamme et se tient : il a gardé un souffle gentiment expérimental et ne déçoit pas. Backdraft : le disque d’un comeback et d’un groupe qui se défend avec honneur.