À la fin des années 2000, la tristesse et la mélancolie ont le vent en poupe, The XX cartonnent avec leur premier album, le To Lose My Life de White Lies ne cache pas ses influences post-punk et The Horrors prennent un virage shoegaze avec Primary Colours. Mais si ces groupes sont aujourd’hui toujours bien présents, on oublie un peu trop Glasvegas, qui a ouvert la voie en 2008 avec un magnifique premier album éponyme. Les Écossais frappent encore plus fort en 2011 avec Euphoric /// Heartbreak \\\ : un deuxième album superbe, plus conceptuel mais toujours aussi chargé émotionnellement, notamment grâce au chant assez inimitable de James Allan. Pourtant, depuis, le groupe a fait beaucoup moins parler de lui. Sans doute la faute à un troisième album moins convaincant sorti en 2013 et pas grand-chose depuis.
Alors quand en 2020, le groupe annonce la sortie d’un quatrième album accompagné d’un premier extrait - "Keep me a Space" - plutôt encourageant, la curiosité est nécessairement piquée ainsi que l’espoir de voir Glasvegas retrouver la flamme de ses débuts. Ce nouveau cru est donc intitulé Godspeed et on ne manquera pas de remarquer que la pochette – une photographie prise par une amie de James Allan à New-York - reprend la calligraphie du premier album d’Elvis Presley et du London Calling des Clash (la ressemblance physique entre Joe Strummer et James Allan est souvent soulignée).
Quitte à tuer le suspense tout de suite, autant le dire franchement : l’album vaut largement l’attente. Une fois le petit interlude d’introduction passé, "Dive" déboule avec une puissance incroyable et son ambiance lourde et sombre n’est pas sans rappeler celle des débuts du groupe, un titre habité sur l’addiction comme Glasvegas en a le secret. "In my Mirror" s’inscrit dans cette même lignée avec un côté 80’s plus prononcé, renforcé par les chœurs sur le refrain. Avec "Dying to live", le groupe livre un titre entêtant avec une ambiance légèrement inquiétante qui ressort de la ligne de basse.
Si ces titres sonnent assez classiques pour Glasvegas, le groupe s’aventure aussi sur des terrains plus expérimentaux notamment avec "Shake the Cage (Für Theo)" qui déconcerte de prime abord avec son aspect parlé mais dégage une force assez irrésistible ou sur le plus dépouillé "Stay Lit". L’incontestable moment de grâce de l’album vient de "My Body is a Glasshouse (A Thousand Stones Ago)", capable de concurrencer l’un des classiques du groupe - "It’s my own Cheating Heart that makes me Cry" - avec son romantisme noir. Le titre final éponyme est aussi assez chargé émotionnellement puisqu’il évoque les relations entre l’Écosse et l’Angleterre et se termine sur un poignant "England, is this Goodbye ?"
Godspeed est un album dense, profond et d’une grande beauté. Capable de se montrer un instant atmosphérique et de provoquer une déflagration sonore l’instant d’après, Glasvegas a renoué avec ses origines sans pour autant que le disque ne sonne comme une redite. Toujours aussi écorché vif, James Allan, n’a rien perdu de son charisme, ni de son côté un peu mélodramatique qui peut en rebuter certains. Pour autant, les Écossais livrent ici un album sincère, qui ne cherche à plaire à tout prix et qui parvient à toucher en plein cœur.