Le dossier de presse a raison : ça fait rudement plaisir d’entendre de nouveau cette voix, la voix de Salim Zouaraa. Le chanteur de Sixpack déploie ici ce même ton narquois, légèrement éraillé et aigre qui fait mouche. Un timbre singulier, pas la plus belle voix de France, mais une accroche personnelle et entêtante.
Pour servir ses histoires et confessions, un groupe est actif : la paire Varou Jan (guitares et arrangement, ex de Condense) et Thibaud Gillard (basse, ex de Slaughter And The Dogs) tricote et compose une musique engagée, volontaire et travaillée. La succession illuminant le démarrage de "634269" est une authentique réussite.
Des années ont passé et la prime à l’efficacité et au riff imparable ont cédé la place aux compositions alambiquées, évolutives, complexes (je pense par exemple à cette vague de punk-noise post tout, conduite par Nine Eleven ou plus récemment Birds In Row). Malgré des formats courts autour des trois minutes, on n’a pas le classique schéma du couplet-refrain qui martèle la tête, mais des titres construits dans l’opacité. Des voyages. Et s’il fallait chercher une autre référence, je mentionnerai avec plaisir Dinosaur Jr et son Jay Mascis : il y a cet équilibre entre l’audace, l’insouciance, le sirupeux et l’acide. Un titre qu’on pense ainsi fini se relance soudain, ouvrant les possibles en concert, apportant un espoir inattendu ("Snowball").
La richesse des mélodies et des rythmes additionne la rage ("FM1" et ses pointes tough-boy) à l’élégance, chacun des titres se positionnant pour éviter la redite, sans pour autant tomber dans une récitation pédagogique consistant à décliner différents styles. C’est efficace, professionnel et imagé ("Caribbean’68") et le groupe ne laisse aucun temps mort : le break – il n’y a que ça – principal de "Sheishimheisher" est une montée en puissance supplémentaire.
La batterie sonne et accompagne les volte-face d’une frappe sèche et inventive pour qui prendre le temps d’écouter et de guetter car le travail de son place le travail d’Hugo Maimone (Garlic Frog Diet / Parkinson Square) au centre du jeu. Facile alors pour Salim de chanter sur cet écrin : les quatre s’entendent et savent quelle place chacun prend dans le résultat final. C’est acéré, dynamique ("A Rose in her Hair"). Il y a en eux une puissance qui ne tient pas au volume sonore ou à la célérité, mais bien à cet espace occupé intelligemment. La machine avance, humaine et ludique, mais derrière les sourires fatigués, il y a une envie de s’imposer manifeste ("Blind Heart").