Astucieuse série que voici ! Chacun des livres publiés fait le (33) tour d'un album précis, en le prenant morceau par morceau. Pornography de The Cure, Loveless de My Bloody Valentine, Horses de Patti Smith, Tender Prey de Nick Cave, le Violator de Depeche Mode... ne sont que quelques-unes des merveilles proposées. Ici, comme l'annonce le titre de cet article, Guillaume Belhomme s'attaque au premier long format de Polly Jean Harvey, Dry (1992).
Évidemment, une longue introduction présente l'arrivée en musique de l'Anglaise, en passant par la case Automatic Dlamini et s'achève à la sortie de l'album.
Suite à ça, chacun des titres est décortiqué. Dans une belle langue, on a une étude des différentes pistes d'instruments, de la façon dont ils sont joués et ajustés. Les paroles et la manière dont sonne la voix sont abordées ; les références littéraires et les liens à faire entre tel morceau et d'autres pièces de la discographie à venir enrichissent le propos. Le dense texte qui en résulte est meilleur que les traditionnelles notes de pochette car il va au-delà de ça : plus précis, plus pointilleux, mieux écrit et plus sensible à ce qui fait Art. On dépasse le cadre de l'anecdote. Bien sûr, au bon moment, les visuels passent aussi au crible, confortant la lecture analytique proposée et qui sous-tend l'ensemble du livre. C'est un rock de la nudité, du dévoilement, de la provocation, entre madone et putain, entre "O Stella" (la vierge Marie) et Sheela-Na-Gig (sculpture de femme dévoilant crûment sa vulve).
Détail plus que probant : la lecture de chacun des chapitres dure - pour peu qu'on écoute le disque en même temps et qu'on s'adapte - sensiblement la même durée que le morceau étudié. Comment dire le plaisir et le bonheur de se caler aux vers retranscrits au moment de l'écoute de "Plants and Rags" ?
Des épigraphes ouvrent un univers de références : Gérard de Nerval, James Joyce, Léon Bloy, Thomas Moore, Samuel Beckett et d'autres. Régulièrement des tableaux précis sont cités, apportant à leur tour un voyage dans le temps et l'espace. On les retrouvera dans la bibliographie en fin d'ouvrage, juste après la synthèse des mois qui ont suivi la sortie de Dry.
Inutile d'en dire plus : c'est l'indispensable complément au disque.