Sortie annoncée ce printemps, l'album Alma de Anne Van De Hoogen (Rosemary & Garlic) et René Rutten de The Gathering fait partie de ces visions dont nous nous délecterons durant de longs mois. La force des compositions tient d'abord à leur assemblage, de l'introductif "Highways" à la conclusion "The waiting Room", c'est bien un ensemble insécable qui a été créé.
L'orage gronde et multiplie les couches rondes de nuages gris et noirs. La voix, posée, réfléchie, émouvante, marque de ses rayons et transfigure. Pas de chichis, ni de grandiloquence, les superpositions de riffs restent dans un clair-obscur calibré pour attirer et piéger (les volutes des guitares sur "Youth" se méritent). Les harmoniques sont cachées dans un brouillard intense, forçant à sentir et ressentir plus qu'à entendre et comprendre.
La magie opère : pas de féérie, ni d'héroïsme, mais une sorte de contemplation béate face au vaste monde (discernable dans ces lointains sonores qui fondent arrière-plan). Les références sont visuelles, quand bien même le son profond des basses peut rappeler des heures cold-gothiques ("Future You") et que plus loin ce sont les eaux d'un fleuve americana qui ondulent ("Alma"). Les frappes de batterie, sourdes, lentes, énormes, conduisent les regards, poussent à explorer et à se laisser envahir.
Alma est un voyage tourné d'abord vers l'intime, un voyage intérieur, mais sa résolution en musiques et chants, ouvre les yeux et se déploie en extérieur. La capacité à sortir des cadres formels des musiques (post-rock ? Non. Heavy ? Non. Gothic-metal ? Clairement pas !), fait de cet album le pendant musical de la révolution picturale menée par William Turner.
