Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Cinéma
02/07/2020

Harry Kümel

Les Lèvres Rouges

Distributeur : Malavida
Genre : film de vampires / fantastique
Date de sortie : 2020/06/24
Note : 84%
Contexte : réouverture des salles de cinéma / ressortie des 'Lèvres Rouges' (version retsaurée)
Posté par : Mäx Lachaud

Si la réouverture des cinémas après ces longues semaines de confinement a été reçue comme une grande joie, le bonheur de retrouver à l'affiche le grand film de Harry Kümel, Les Lèvres Rouges en version restaurée, a été tout aussi intense, que ce soit dans des villes comme Marseille, Lyon, Bordeaux, Grenoble, Tours, Strasbourg et bien d'autres. Initialement paru en 1971, ce long-métrage belge reste un envoûtement d'une élégance toute érotique. Stefan (John Karlen) et Valerie (Danielle Ouimet) se retrouvent dans un hôtel d'Ostende. Les jeunes mariés doivent prendre le ferry pour l'Angleterre mais le jeune homme ne semble pas pressé de présenter sa concubine à sa "mère". Dans ce même grand hôtel se retrouvent la séduisante comtesse Bathory (Delphine Seyrig) et son assistante Ilona (Andrea Rau), comme issues d'une autre époque. Va alors se mettre en place un jeu de séduction dangereux et trouble alors qu'à l'extérieur, des meurtres se multiplient dans la ville de Bruges.


Vampirisme, lesbianisme, sadomasochisme, fétichisme, expressionnisme, Les Lèvres Rouges déploie une ambiance gothique et décadente à souhait avec cette grande bâtisse perdue au milieu d'une cité touristique devenue déserte et spectrale. Delphine Seyrig y incarne la plus glamour de toutes les comtesses-vampires et ensorcelle de sa voix profonde. Avec son look années 1930 typé Dietrich, ses robes scintillantes et sa silhouette raffinée, elle mène la danse macabre au sein d'un film totalement inspiré par l'art pictural. Le rouge des cosmétiques ne fait qu'annoncer le rouge du sang, le goût pour la jeunesse et la luxure. Bathory cherche à éveiller les pulsions morbides et malsaines chez le jeune couple, et y parvient avec l'énigmatique Stefan. Elle manipule avec légèreté et humour, elle envoûte alors que le mystère se propage dans cet hôtel si vide, bercé par la partition de François de Roubaix.
Mettant les figures féminines à l'honneur, le film nous subjugue par la variété contrastée de ses couleurs, la virtuosité de certaines séquences, l'ambiance de transe et le sens aigu du beau cadre. L'hypnose est progressive, glacée, et l'œuvre est incontestablement de l'art et essai au sens noble derrière ses atours de film érotique d'exploitation. On pourrait même se laisser aller à des interprétations politiques et féministes, tant Les Lèvres Rouges questionne les liens étroits entre sexe, domination et pouvoir.
Mais ce film qui revisite un thème tellement classique du cinéma gothique est avant tout un rêve. Le réalisateur disait : "Les films ne sont pas la réalité… Ils sont des rêves. Ils sont l'étoffe dont les rêves sont faits." Ouvrez grand les yeux et laissez le songe vous gagner. Irrésistible.

Les Lèvres Rouges est aussi disponible en DVD.