Le groupe a modifié les noms de son line-up et son nom ; ainsi Happiness Project est devenu H/P et ses membres (Fred, Christelle et Cyril) sont désormais F/T, C/P et C/T. Signalons aussi qu'Alain Seghir de Martin Dupont signe la basse du dixième titre, "Vicinities". Le résultat global n'est toutefois pas fondamentalement modifié et le changement de nom du projet n'affolera pas, nous l'espérons. H/P délivre une pop synthétique belle, harmonieuse, propre et calibrée. L'ensemble est fortement cohérent : les couleurs et les mélodies se rejoignent souvent ; on a ainsi un catalogue élégant et racé de titres doux-amers. Il faut plusieurs écoutes attentives et la lecture des paroles pour appréhender au mieux les variations ("Behind", plus vicié que les autres) et se saisir du potentiel individuel de chacun des titres. L'effet de masse, lissé et raffiné (au double sens, technique et sensitif, du terme), cache en partie les trouvailles sous l'impression d'une session unique de composition et trop fortement cadrée. Une fois ce cap passé et l'acceptation d'un effort pour déguster et non pas bâfrer, c'est terriblement efficace, comme le dessine la beauté de "The Alarmist", trois lignes mélodiques se croisant, mettant en valeur la délicate voix masculine et les chœurs féminins. Derrière la jolie façade musicale, le propos est plus acide, dénonçant l'emprise de l'homme sur la nature, les lendemains de soirées où les choses meurent et où une apparition relance la vie. Les relations humaines sont compliquées, les gens se séparent, ne se comprennent plus, mais il faut se battre pour ces bribes de lumières.
Cette fois, c'est le travail de l'artiste Stéphane Coubret qui a été choisi pour la dimension visuelle de cette musique, un collage rétro de production consommation ; la vie a accaparé le paysage cartographié en routes et zone de résidence. La vie n'est qu'une intégration sociale au progrès...
Le travail d'enregistrement est analogique (entre Limoges et Marseille) et convoque les moyens utilisés au début des années 1980 dans ce qu'on appellera avec à propos la "cold française" ; pourtant, l'accent est mis sur le progrès technologique qui permet de faire sonner ces vibrations avec prestance et détails. L'écoute des multiples pistes de "Hope in the Distance" permet de saisir la précision de cet entrelacement et de sa minutie. Pour moi, ce résultat est sur ce titre presque trop propre, trop précis : l'émotion y est, forte et belle du fait des harmoniques et de cet agencement (les guitares me plaisent, la profondeur des synthés et la tonalité des parties rythmiques), mais pour mes goûts, il y manque cette pulsion qu'apporte parfois un grain défaillant, une saturation trop lourde. Lorsque le propos se resserre (le but affiché du changement de nom est également d'aller à l'essentiel, selon le groupe), il est plus évident de plonger dans la mélancolie douce qui fait la force de H/P, j'en prends pour témoin le tube immédiat qu'est "9 Mars". J'apprécie aussi la présence de la voix féminine qu'on retrouve avec plaisir sur le final, « Vicinities ». L'apport de Member U-0176 est prégnant, donnant des pulsations mécaniques et chaudes ("Black Tea", si proche d'un Depeche Mode). La voix est un des éléments-clé pour favoriser l'entrée dont je parlais plus haut : "Ultraviolin" possède ce charme immédiat, sensuel et sexy.
Comme souvent avec les productions de BOREDOMproduct, cet album s'adresse à de fins connaisseurs, des esthètes qui prennent le temps de savourer des compositions loin du tape à l'œil et des facilités. L'éclat est plus diffus, plus profondément ancré dans les sillons.