Le premier confinement aura eu ça de bon : de nombreuses personnes se sont mises à passer le temps en faisant de la musique. Le projet Inanis Yoake a pris forme à ce moment-là. Une première demo Omoide/Memorie est parue en juin avec des versions primales de titres qui se découvrent avec une production bien plus éclatante dans ce In A Summer’s Silence. Derrière ce patronyme se cache un duo constitué de Simone Skeleton et Risa Hara. Le premier s’exerce surtout sur les guitares alors que la seconde a pour instrument de prédilection le piano, et ils se partagent à tour de rôle l’utilisation des synthétiseurs et de l’électronique qui participent aux ambiances fort addictives de ce premier album.
Mais Inanis Yoake est aussi une sorte de super-groupe avec des invités prestigieux de la scène londonienne. On dénombre plus d’une dizaine d’intervenants, parfois aux percussions, parfois au chant, parfois aux field recordings. On notera surtout la présence de Tony Wakeford de Sol Invictus à la basse et à la voix, ainsi que Renée Rosen dont le violon a fortement marqué l’identité de ces vétérans du dark folk. Autres invités de marque : Lloyd James de Naevus et son timbre profond, et Yuko Tsubame qui séduit avec l’apport de la langue japonaise.
En termes stylistiques, Inanis Yoake nous renvoie aux débuts de la scène folk apocalyptique des années 1980, quand elle était encore marquée par le post-punk et la new wave, mais avec une densité sonore dans les guitares pas si éloignée du post-rock et un vrai sens de l’atmosphère (les ténébreux et lancinants "Father" et "Wasted Lies"). En reprenant la basse et en revenant à quelque chose de plus rock, Wakeford ravive le spectre des premiers Death in June ("All against all") et du Sol Invictus période Trees In Winter ("The burning Eye", "You see Flowers", "The Devil’s Charm" ou l’envoûtant "Rotting"). Lloyd James offre une superbe ballade qui aurait pu paraître sur le Behaviour de Naevus avec "There is no Hill". "Everything bad" développe le même songwriting, alors que ses litanies graves font des merveilles sur le tube de l’album, "Captors", véritable tube dancefloor pour soirées goth.
L’électrique et l’acoustique se mêlent avec élégance, et on se laisse vite happer par cet univers mélancolique et noir. La production est impeccable, la palette sonore riche, et la présence de Yuko Tsubame bien marquante aussi, notamment sur "Hikari" qui témoigne de la beauté mélodique de l’ensemble et la dimension épique et élégiaque dont le projet est capable. Les morceaux chantés par Simone Skeleton sont, quant à eux, souvent beaucoup plus inquiétants et lugubres, et on appréciera en particulier ces jumelages de voix chantées et de spoken words, qui créent une hypnose très singulière. Un album qui est donc loin de se limiter aux fans de dark folk à l’ancienne et qui s’apprécie de plus en plus à chaque écoute.