Il y a des artistes iconoclastes tel Jac Berrocal que l’on suit fidèlement parce qu’à chaque collaboration il se passe quelque chose d’intéressant (voire d’éternel comme pour sa fameuse collaboration à Nurse With Wound), qui vous titille l’oreille par un souffle chaleureux autant qu’étrange. Et cela fait déjà plus de dix ans et cinq albums que le trompettiste réalise avec Vincent Epplay et David Fenech, deux artistes français sonores et plasticiens, des disques rares et intrigants, cette fois pour le label indus anglais Cold Spring. Leur œuvre commune est plutôt inclassable, mêlant jazz planant (tel l’instrumental "Warszawa", hommage à Bowie ?), post-punk à la Tuxedomoon, poésie sonore (avec la voix teintée de surréalisme du sieur Berrocal rappelant les grandes heures incendiaires de Brigitte Fontaine et Areski) et musique exotico-concrète entre John Hassell et Barry Adamson. Cette nouvelle mouture intitulée Broken Allures varie toujours autant les rythmes et les atmosphères allant parfois même jusqu’au dub avec la ligne de basse abyssale et hypnotique signée Jah Wobble (un des membres fondateurs de Public Image Ltd et collaborateur de Bill Laswell, Eno ou Jaki Liebezeit).
Cosey Fanni Tutti (TG, Chris & Cosey), excusez du peu, participe à trois titres (parmi les meilleurs !), au chant et paroles, à la trompette et à la guitare électrique et apporte quelques vapeurs d’éther diéthylique à l’ensemble, qui sonne pour le coup très... Carter Tutti ! Le morceau instrumental et excentrique "Viva la Hacienda" aurait même presque des allures de Throbbing Gristle, selon d’ailleurs les propres dires de Cosey. Musiques transversales ou de traverse, celles qui composent Broken Allures ont véritablement de l’allure, en tout cas.