Retour de Jad Wio avec l’équivalent d’un format long scindé en deux EPs. Un 45 tours (Magdalena) en 2020 avait réveillé les mémoires, figées avec l'album de 2007, Sex Magik – Histoire de Lilith Von Sirius.
Comment dire ? On est agréablement surpris par la qualité des idées. On les savait déjà de retour avec de la qualité, puisque la face B "Magdalena Dunkel" est ici réactivée, avec ses guitares acérées et ses tribulation synthétiques, un parfait bijou synth-rock-chanson noire inclassable et beau. "Monsieur Gargantua" associe à un son electro-rock digne de "Cellar Dance" un riff délicieusement trituré harmoniquement. Puis, les arrangements se développent avec un sax digne de la belle époque (Jonathan Handelsman). La voix arrive, naviguant entre Gainsbourg et les belles volutes d’une chanson pop qu’on avait au temps de Fleurs de Métal. Gainsbourg encore avec le très réussi "Le Taxidermiste", digne de figurer dans Contact ou dans l’album solo de Denis, la diction évoquant aussi les belles récitations de Daniel Darc (tout en rendant hommage au premier album de The Cure). Un titre qu’on aimerait entendre à la radio, pour son côté frenchy but chic de premier ordre. "Requête obsolète" remonte aussi le temps avec une pop à la Jacno lorsqu’il composait pour Lio, un étonnant tour de passe puisqu’à cette époque Denis Bortek et Christophe Kbye œuvraient dans le registre plus batcave perceptible sur la compilation Cellar Dreams ("Bugs", "Taiba"). Là, on peut s’amuser de ce texte espiègle sur le consentement et les attirances féminines masculines, l’aspect mutin et joueur renforcé par la narration au féminin et les gloussements de la guitare (une fois de plus je ne peux m’empêcher de faire lien avec "BB Pin-up Boy" sur Contact).
Une autre invitée de marque est Alastrelle, qui prête sa voix à "Spatiale". La chanteuse de Dead Souls Rising complète intelligemment en murmures le souffle de Denis sur une chanson légère, ouatée, printanière (c'est rare d'entendre une flûte traversière !?) avec une tonalité hyper-douce.
"Les Amours jaunes" cumule les superpositions, le mixage les équilibrant progressivement dans une intro assez longue avant une composition peut-être trop dense et qui a du mal, selon moi, à mettre en valeur chaque idée tant elles sont nombreuses. Ce serait une face B idéale, un titre à redécouvrir et explorer, mais qui perd une partie de sa force face aux réussites déjà placées avant lui. Alors, je me plais à débuter ma troisième écoute dans le désordre, la plaçant en premier, histoire me familiariser avec ce feu d'artifices.
L'ensemble de ce long EP est élégant et sexy, professionnel et naturel. Le travail sur les accumulations de voix en plusieurs pistes donne un entrelacs tout à fait adéquat aux paroles. Le principe du cadavre exquis semble donc avoir joué dans la composition puisque celle-ci s’appuie souvent sur les expressions plaquées dans ces textes étonnants. Les citations, évocations et hommages multiples tissent aussi un lien évident entre les jeunes années, les premiers repères et la maîtrise du clin d’œil que permet la sagesse de l’âge. Un disque que je sens dirigé vers les connaisseurs.