Deux décennies que Jay-Jay Johanson nous enivre avec une liqueur élégante au groove mélancolique. Démarrée en 1996 avec Whiskey, la production musicale du crooner suédois a décidément pris le lustre des belles choses en déroulant un trip hop jazzy maitrisé – écrin d’un spleen mezzo voce, tout en maitrise, toute en finesse. Ivresse et flacon garantis.
En tournée pour son douzième album Kings Cross, Jay-Jay Johanson a pris quelques instants pour répondre à nos questions… et on l’en remercie.
Obsküre : Sorti en avril 2019, Kings Cross est ton douzième album, il couronne vingt-trois années d’un itinéraire musical au carrefour du jazz et du trip-hop. Comme pour le précédent album Bury The Hatchet, on est tout de suite séduit par l’intimité feutrée dans laquelle Kings Cross nous plonge, dès "Not Time yet". On ressent toujours une forme de continuité d’un album à l’autre, à la fois dans les ambiances et dans les thèmes. Comment qualifierais-tu Kings Cross au sein de ta discographie ?
Jay-Jay Johanson : Je vois tous mes albums comme une continuation de ce que j'ai fait avant. Tu sais, je n'arrête jamais vraiment d'écrire, et je me souviens par exemple que la dernière chanson que j'ai écrite sur l’album Tattoo (1998) était vraiment le début du style de ce qui est devenu Poison (2000)…c’est vraiment la situation sur beaucoup de mes disques - ils flottent un peu ensemble - une lente progression et évolution. Je suis très fier de certaines chansons de Kings Cross (sourire)...
La mélancolie, la rupture amoureuse, la solitude semblent être toujours des fils conducteur dans tes albums. D’où vient ce spleen récurrent? Le bonheur est-il pour toi un but inatteignable, une chimère, un concept marketing ?
Je ne peux pas vraiment répondre à cela, je veux dire, c'est un sentiment fondamental dont je ne peux me débarrasser - et plus je creuse profondément dans mes sentiments et ma personnalité, plus la mélancolie s'approfondit, je suppose...
Tes albums sont l’occasion de travailler/partager avec d’autres artistes : Robin Guthrie, Lucy Belle Guthrie (NDLA : fille de Liz Frazer et de Robin Guthrie-Cocteau Twins), Autour De Lucie etc. Sur Kings Cross, tu as invité Jeanne Added pour un duo sur le titre "Fever" : comment s’est passée votre collaboration ?
Nous étions en contact en ligne, et nous nous sommes envoyé des fichiers l'un à l'autre – la rencontre n’a eu lieu que plus tard en fait, une fois le morceau finalisé. Jeanne est cool, travailler un morceau en duo avec elle a été très intéressant.
En France, ton univers musical nous évoque entres-autres celui de Michel Legrand, Francis Lai, parfois celui de Serge Gainsbourg… confirmes-tu ces sources d’inspiration ? De quels artistes, contemporains ou pas, français ou pas, te sens tu proche ?
Je suppose que c'est la dramaturgie, les contrastes et le choix des instruments. Chet Baker restera toujours mon influence principale quand il s'agit de l'expression vocale, même si j'ai toujours trouvé ma propre voix, et je n'ai plus vraiment besoin d'une influence...
Tu es en tournée en France en ce moment, j’ai eu le plaisir de te voir dernièrement et j’ai remarqué que le public ce soir-là était globalement constitué de fidèles qui sans doute te suivent depuis le départ, c’est à dire depuis Whiskey… comment vis-tu cette relation de fidélité avec ton public ?
Je pense que mes fans sont les plus beaux qu'un artiste puisse avoir, ils sont si généreux et me donnent tant en retour - j'adorerais m'asseoir et parler à chacun d'eux. Je suis sûr que s’ils m’ont découvert et continuent à écouter ma musique, alors c’est que nous avons probablement beaucoup de choses en commun.