Voici un thème on ne peut plus adapté à ce que l'on vit depuis déjà plus d'un an, et Jean-Pierre Andrevon avoue que cette pandémie de Covid-19 l'a fortement inspiré à écrire ce livre, d'autant plus que sa rédaction s'est faite essentiellement pendant le premier confinement. En tant que romancier et nouvelliste, il s'est lui-même régulièrement penché sur les sujets apocalyptiques. Mais l'Apocalypse telle qu'il la perçoit dans cet ouvrage n'est pas une Révélation comme dans l'Evangile de St Jean, mais bien à prendre comme l'ultime catastrophe, la fin de tout. Cette anthologie s'offre ainsi comme un parcours subjectif dans le vaste panorama de la science-fiction à travers la représentation des séismes, catastrophes, tornades, cataclysmes et autres désastres nucléaires. Il se focalise ainsi sur la littérature, la bande-dessinée, le cinéma et parfois aussi les téléfilms et séries télévisées.
Bien sûr, il n'est pas possible de couvrir le spectre de tout ce qui a été fait en trois-cent-cinquante pages seulement, et le plaisir de cette lecture n'est pas à trouver dans l'exhaustivité - il n'est pas fait mention par exemple pour la partie cinématographique de La Maladie de Hambourg, Take Shelter, L'Heure de la Sortie, Kuso, The House That Jack Built et de centaines d'autres références - mais Andrevon y apporte son érudition, assez impressionnante sur la partie littéraire, et on finit par avoir des pages de notes avec des références à creuser. Il est d'autant plus appréciable qu'il ne fait pas de distinction entre culture mainstream ou plus pointue, ou entre nouvelles issues de recueils obscurs et romans plus populaires.
On remonte ainsi jusqu'au début du XIXe siècle avec Le Dernier Homme (1805) de Jean-Baptiste Cousin de Grainville et un autre Dernier Homme, celui de Mary Shelley en 1826, pour ensuite parcourir deux siècles d'imaginaires crépusculaires. Classée par thèmes, cette compilation permet ainsi de partir des évocations bibliques et de la venue de l'Antéchrist jusqu'aux ruines de la civilisation et de l'humanité, et la question de qui y succédera.
Que le traitement soit comique ou sérieux, horrifique ou parodique, les auteurs de science-fiction ont ainsi travaillé sur des peurs collectives et, avec parfois beaucoup de perspicacité, ont anticipé des menaces qui sont passées du domaine du possible à celui du probable. Ils ont lancé des signaux d'alerte et nous ont mis en garde face à notre propre vulnérabilité et tendance à l'autodestruction. La guerre atomique, les épidémies et contagions, l'effondrement de la biodiversité, le réchauffement climatique, tout cela relève du plausible voire de notre réalité d'aujourd'hui. L'auteur a ainsi voulu garder, dans les références qu'il a choisies, un lien avec une forme de réalisme ou d'avenir possible.
Le plan en lui-même est très fluide. Le tout se lit d'un trait, et non pas comme des entrées dans un dictionnaire. Aux côtés de grands noms comme Ballard, Barjavel ou Spinrad, attendez-vous surtout à trouver beaucoup de références oubliées ou très peu connues, c'est là où se trouve l'un des intérêts de ce travail. L'autre intérêt est de nous plonger dans la richesse imaginative que de telles thématiques ont suscitée. Peur de la bombe nucléaire, éruptions volcaniques, règne animal ou végétal qui se venge des humains, épidémies de cécité (Blindness), de suicides (Kaïro) ou d'insomnies (Lune noire), extinction de l'espèce, raréfaction de l'eau, sécheresse, l'avenir est sombre !
On passe ainsi de représentations du Diable et de la Bête (Faust, La Malédiction, 666...) à l'attente du grand crash (Le Jour où la Terre s'arrêta, La dernière Vague...) avant de subir les chutes de météorites, les éruptions volcaniques, les tremblements de terre et les catastrophes nucléaires post-Hiroshima et Fukushima. Les typhons et tornades s'en donnent à cœur joie avant que les plantes s'en mêlent (La Guerre du Lierre) pour éliminer le genre humain. Coup de chaud ou grand froid, le climat se dérègle. Les déluges nous submergent. La fièvre monte avec les contagions. La folie rôde. Les crises d'hilarité peuvent devenir mortelles (Le Rire jaune). Puis la Terre cesse sa rotation. Les météorites pleuvent comme des bombes. Les centrales nucléaires pètent. Les radiations font muter les insectes et les animaux. Rats, mouches, guêpes, araignées, microbes grandissent. Quand ce ne sont pas les abeilles africaines qui attaquent (L'inévitable Catastrophe), ce sont les fourmis rouges (Quand la Marabunta gronde). Les effets des bombes peuvent aussi entraîner la stérilité et signifier la fin de l'espèce.
Mais qu'advient-il quand tout est réduit à des débris, des ruines qui elles-mêmes peuvent devenir un lieu touristique apprécié (Continent perdu) ? Alors, pour les seuls survivants, après l'errance, il ne reste plus qu'à reconstruire. Et que deviendra la Terre quand l'humanité aura disparu? Le monde sera-t-il livré aux végétaux ou aux robots ? À quoi ressemblera la race future ? Redeviendrons-nous des singes ? Des êtres plus puissants, au plus grand cerveau, prendront-ils la relève ? À moins qu'arrive le règne des enfants (Demain les Mômes, Les Révoltés de l'An 2000, Le Nuage vert ou le dernier Survivant) ?
L'anthologie nous balade ainsi, de questionnements en suppositions. On en ressort revigoré par tant d'imagination, tout en se disant que la réalité finit toujours par rattraper la fiction.