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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Hommage
11/04/2024

Jeänne Saint-Julien

Vitam impendere vero | 1976-10/04/2024

Photographie : 'Let's dance' | autoportrait (Jeanne Saint-Julien) - source : JSJ official Instagram
Posté par : Stéphane | Les Modules Etranges

Nous avons appris, ce matin du jeudi 11 avril 2024, la disparition de notre collaboratrice Jeänne Saint-Julien. Le sentiment qui nous a envahis ne se décrit pas. Une fois n'est pas coutume, nous avons demandé à une personne extérieure à notre équipe de rendre hommage à celle qui s'en va. Le texte que vous allez lire est signé de Stéphane Maxime, membre des Modules Etranges et The Wicker Man. Les images intégrées à l'hommage sont celles que Jeanne avait réalisées au soutien des projets impliquant Stéphane, pour les visuels principaux des albums Ostara et Yggdrasil.

L'œil de Jeanne manquera à ce monde qu'elle a scruté, connu soit-il pour les captures photographiques fixées en presse papier (Noise, Nova Magazine, Rage, RER, D-Side, Elegy, Obsküre Magazine, Politis, La Dépêche Du Midi…), dans la revue La Femelle du Requin mais aussi dans le domaine de la musique pure (images pour Devianz, Teen Machine, Tamtrum, Das Ich ou encore Lacrimosa).

Nous tenons à remercier Stéphane pour la sensibilité de son apport. Nos pensées rejoignent les siennes, au soutien aussi de toutes celles et tous ceux qui ont connu Jeanne et l'ont aimée. Plusieurs membres de notre équipe sont concernés, à divers titres, mais notre pensée finale ira vers tous les proches de notre kaptüreuse, avec une pensée forcément particulière pour Sylvaïn Nicolino, un temps durable son partenaire de vie, et pour leurs enfants. 

Nikö Pingnelain, Emmanuël Hennequin & toute la rédaction

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Nous avons appris, désemparés, la disparition de Jeanne Saint Julien, et nous nous joignons au deuil de ses proches pour leur perte.

C'est sur divers forums de musique industrielle que nos chemins (virtuels) se sont croisés en premier. Une autre époque. Quelques décennies (oui, déjà).

Des débats, des coups de gueule : nous étions souvent d'accord.

Certaines personnes ont la capacité de se reconnaître entre elles, et le média virtuel n'est pas un obstacle.

La distance par le biais de suites de 1 et de 0 permet d'installer une forme de pudeur, d'intimité un peu "sauvage", que par exemple Lovecraft n'aurait pas détestée puisqu'il l'avait instauré avec ses disciples à son époque et avec les moyens épistolaires dont ils disposaient à l'époque.

Pas de maîtres ni d'élèves dans notre cas, mais tout de même "l'autisme social" est ici non seulement toléré, mais presque de rigueur.

La distance de l'écrit permet d’atténuer les lourdeurs du réel.

Chemin faisant et toujours par le moyen du réseautage social qui a avantageusement remplacé les forums, j'en suis venu à m'intéresser à ses photos. À travers sa capture des paysages naturels d'instantanés tirées de mystérieuses messes païennes musicales : son univers semblait correspondre à merveille à la nouvelle direction musicale prise par le groupe.

On ne peut refaire le passé, mais le célébrer pourquoi pas. Le neofolk s'invite, on parle de lui à demi mots, l'évocation de films comme The Wicker Man et ses dérivés "elevated horror" qui reviennent en force, et parfois l'athéisme matérialiste devient un carcan qui ne répond pas à toutes les questions existentielles. La pop culture s'empare des anciens dieux, et ceux qui doutent des bienfaits du capitalisme veulent garder une part d'authenticité qui va plus loin que des cornes à boire et des coupes de cheveux à la mode.


Violons distordus, pulsations tribales dignes de cultes nordiques innommables, voix trafiquées par des actes de sorcellerie inavouable : décidément, l'imaginaire photographique de Jeanne résonnait à merveille avec ce nouveau postulat.

En voulant retrouver il y a quelques mois son site internet - la présence de Jeanne sur les réseaux s'écrit en pointillés - disparaissant et réapparaissant selon l'humeur du moment - ce n'est que bien après que je réalise l'étendue réelle de ses collaborations, notamment pour des pochettes de disques dont la comparaison avec nous est plutôt honorable. Photos, portraits, certains apparaissent dans des livres ou revues spécialisés dans le "dark" : eh oui, on ne fait pas assez attention aux crédits photo.

Moi j'étais un fan, en fait. Comme l'exige l'époque, j'ai liké, apprécié, commenté, partagé.

Mais par moments la mélancolie prend le dessus, ou est-ce un "reality-check" ? On aime beaucoup ce que vous faites, on vous félicite. Mais on ne se rencontre plus vraiment.

Comme j'aurais voulu te rencontrer "en vrai", Jeanne Saint Julien.

Une fois "l'info" digérée, alors qu'habituellement nous rendons hommage à nos disparus de manière assez immédiate, quelque chose nous a arrêtés. Quand trop de personnes de l'entourage direct ou indirect du groupe partent vers l'autre monde, un sentiment m’envahit : le syndrome du survivant (pourquoi eux et pas moi ?), le syndrome de l'imposteur (mais qui suis-je pour me lamenter et afficher ma peine ?).

Voilà ce qu'il reste : nous. Nous, et le devoir de ne pas oublier. Nous, et le devoir de témoigner que l'art de Jeanne vis encore à travers nous, à travers nos souvenirs, nos mémoires. Tant qu'une personne pensera à son art, se référera à ses photos, ses créations, ses visuels...

Nous le lui devons, et nous le lui devons tous ensemble.