Le temps qui passe… Titre clin d’oeil au Temps suspendu du projet séminal Ab Ovo, créé par l’intéressé et Régis Baillet au début des années quatre-vingt-dix. Un retour sur le passé donc, une captation de souvenirs émouvante. Dans cette compilation réjouissante éditée une nouvelle fois par Hymen Records, la mélancolie s’installe et nous happe. En effet, Tempus Fugit est constituée de onze pièces ambient, composées par le Français entre 2014 et 2022 et sorties précédemment sur différents formats. Un catalogue qui comprend trois titres réinterprétés et un inédit. Si les chemins empruntés par le musicien sont plutôt atmosphériques, celui-ci ne délaisse pas pour autant les climats electronica/IDM qu’il affectionne tant. En témoignent le très glitchy "Sparkle/Time" ou "Sea-Shell Necklace", servi par un beat, tout en conservant un côté avant-gardiste et cotonneux, évoquant ainsi fortement Boards Of Canada.
L’art de Chassagnard est subtil. Il teinte ses morceaux de touches stylistiques diverses, tout en maintenant perpétuellement la même trame. Ainsi, il dessine toujours une base expérimentale, pour ne pas dire concrète, nappée de field recordings, avant de la faire évoluer vers des rivages plus sereins et mélodiques. Des moments de tension surgissent par moments durant ces introductions. Le dark ambient s’étale timidement durant de courtes et déroutantes phases (on pense aux productions de Cyclic Law sur "Sea (Winter Version)"). Mais la noirceur s’efface vite pour laisser la place à la lumière. Les claviers et le piano imposent une pulsation positive, presque emphatique parfois. La délicatesse des motifs renvoie à tout un esprit néoclassique et à la florissante scène modern classical. Sylvain Chauveau est invoqué sur "From the very Beginning", l’élégance minimaliste d’A Winged Victory For The Sullen s’illustre sur "Lost Friends". Chassagnard développe une narration musicale farouchement envoûtante. Il parvient à tisser des atmosphères d’une beauté sidérale avec une grande aisance. Nous retiendrons en particulier "At Night", qui rappelle même le "Moss Garden" de Bowie. Un disque automnal, serti de gemmes chatoyantes, à écouter un jour de pluie.