Retour de la flamme noire de John 3:16 avec un opus à la sombre pochette, The Pact, dont l'artwork magistral a été confié à Néstor Avalos (Exodus, Churchburn, Mercyless). Cet album-ci s'ouvre sur une plainte obsessionnelle, posée par la voix de Misha Paramonoff. Les guitares ne créent pas un mur, mais gardent leur forme d'écrin, avec un riff bien lourd une fois le larsen inaugural placé. La mélodie haute évoque les meilleurs moments assagis de Trent Reznor : une suite simple de notes, fortement mélancoliques. La musique garde cette référence au rock industriel avec les multiples couches de guitares qui forment éruption sur le deuxième titre, "Once I blazed across the Sky...". La richesse de l'orchestration semi-symphonique (cordes, claviers) contrebalance les voix hurlées en sourdine ; c'est noir comme du Swans, claustrophobique. La Lumière semble avoir quitté le disque, malgré les ambiances plus célestes des claviers. La composition du titre se solidifie avec un dialogue qu'on suit réplique par réplique sur la deuxième partie du morceau. Les frappes de batterie, énormes, martiales, n'interviennent que sur le final, dantesque. Plus loin, "una-VOID-able", qui invite Be The Hammer (Raoul Puke aux paroles, au chant et aux effets, J-M. Nicoletti aux guitares et synthés), se fait monologue : le texte est lentement déclamé, clair, audible. Je me dis que le passage par la bande dessinée a permis à Philippe Gerber de se lancer dans de telles idées : on voit des planches se composer au fur et à mesure que le titre se déploie. S'y trouve transposée cette richesse visuelle, avec ce même souci du collage, des détails, des mouvements et passages d'un bloc à un autre. Les arrangements se font plus synthétiques, comme la bande-son idéale d'un film à très gros budget (mais quel studio accepterait que le son soit si prioritaire ?).
Un autre invité qui impressionne, c'est Rob Onion. Le titre "Dunkel Seelenfresser" a beau se stabiliser sous les quatre minutes, c'est une lente montée en puissance, ponctuée de gémissements et de fausse sérénité. Deux interludes ponctuent l'album, sans que l'on puisse les distinguer de prime abord en tant que parenthèses : le son y est soigné et l'ambiance se met vite en place. C'est un peu le principe de la short story : si ça fonctionne, on laisse ainsi, la structure entièrement dirigée vers son effet et son final.
Le troisième titre, "I am Part of the Part that Once was Everything" est plus doux : sa partie rythmique se fait légère, rapide, spatialisée, presque rituelle ; un astucieux break triture les bandes et inverse un sample orchestral sur lequel les toms profonds explosent à tour de rôle, orage tonitruant qui se développe haut dans le ciel et finit par arroser le sol, filtré par plusieurs couches végétales sur lesquelles les gouttes s'écrasent et rebondissent. La référence à cette eau primordiale se crée en lisant le titre, cette partie, je la vois comme la goutte d'eau primordiale. "Prince of Lies, King of the Night" est une composition plus accessible : la présence de la batterie reste dans un parcours appréhendable pour les profanes et une basse vient jouer les guides par la répétition, entraînant ainsi un mantra stylistique. Les guitares créent un mur à la JAMC, sur lequel les drones et des orchestrations se superposent. Ce serait idéal pour débuter une performance scénique tant ce titre galvanisant crée une tension.
D'ailleurs le titre le plus long de l'album nomme le dernier morceau. J'aime ces suggestions par des phrases, qui sont autant de versets dans le parcours musico-biblique de John 3:16. Ils évoquent les histoires, des états émotionnels, et aussi un rapport du musicien à sa propre pratique, salvatrice. Mais cette fois, le Pacte passé semble bien plus dangereux.