Cleopatra signe le nouvel album de Kap Bambino : bonne idée ! En espérant que la force de frappe du label américain soit aussi vivace qu'au tournant des années 2000, cela donnera une plus grande visibilité au duo bordelais pour son sixième long format. Comme Groupgris (l'homme) et Khima France (la femme) savent aussi se servir, ils arrivent avec une respectabilité et des dates à l'international depuis les débuts de leur carrière (premier album en 2002, Neutral). On repart du bon pied.
On aime l'énergie haute voltige de "Domination" et de "Purity", les dérapages rétro-futuristes de "Felures of Pain" ainsi que la capacité à associer complexité et simplicité (une mélodie qui peut se fredonner, mais combien de couches et de détails explosent le cadre !). "Parasite" joue le format single, acidulé, en pleine crise d'identité : est-ce un groupe japonais surexcité ? Une version variété de Melt Banana ? C'est galvanisant et bêta, poppy et tapageur. Un bon coup aux adeptes de la musique en accéléré (une tendance appelée sped-up, en vogue depuis bientôt deux ans).
Ils avaient déboulé en pleine mouvance electro-clash (avec des figures sympathiques et singulières comme Sexy Sushi, Vive La Fête, Chicks On Speed, Die Antwoord, Le Tigre, Robots In Disguise et tant d'autres), et leur formule en duo fonctionnait à plein. Mais eux avaient une facette plus dure, plus agressive (un peu à la manière d'un Atari Teenage Riot), une envie de laisser la musique dépasser les limites autorisées ; une facétie qu'on retrouve avec bonheur sur "Mortuum last Journey", méchant et addictif. Comme on aime les ouvertures, on se dit qu'il faut les faire tourner avec Horskh pour un plateau high-energy !
C'est amusant : alors qu'ils étaient passés sous nos radars (d'où la nécessité d'un label qui informe...), la voix de Khima France semble éternellement bloquée en pleine jeunesse, légèrement triturée pour que les vocalises hautes s'imprègnent de cette musique euro-dance-clubby-house-fête foraine ("Keyz", "Loss" pour le coup presque proche d'un Funkervogt au meilleur de sa forme).
Expert, le groupe sait qu'avec treize titres tapageurs (le même nombre que sur le précédent album Dust, Fierce, Forever, en 2019), il faut varier et relancer, la petite intro de quelques secondes de "Reality" montre ce savoir-faire. Positionner le tube parfait "Spin faster" en fin de disque fait aussi partie de cette maîtrise. De quoi remettre tout au début, pour peu que le palpitant ne soit pas monté à trop grande vitesse ! Toutefois, Kap Bambino prouve qu'ils sont aussi de leur temps et qu'ils ont traîné là où il fallait : après ses cris, "Flaccid Life" possède ces relents cold au milieu du tourment pour se maintenir au cœur des nouvelles scènes (Hide, Rue Oberkampf, Potochkine), "Corsair" ralentit encore un peu le tempo dans les grandes lignes pour dresser un titre suave, languide ; derrière ces nappes de claviers lentes, les miroitements restent rapides, saccadés. C'est pour moi, un des moments forts de l'album et sa transposition en concert sera certainement un passage marquant.
La tournée se met en place : USA, Canada, Amérique latine, et bien sûr Europe. Et si on leur souhaite des salles pleines, que cela ne vous empêche pas de commander le disque, comme au bon vieux temps.