Voici le premier album solo d’une artiste bien enthousiasmante. Kate Fletcher fait de la musique seule avec son violoncelle, sa voix et sa loop box, et propose une musique intime, mystique et éthérée qui pourrait trouver sa place entre les disques de Spires In The Sunset Rise et de Julia Kent. Le titre "Voices" pose bien les bases : une voix magique, comme en transe, des notes tenues et mélancoliques et un pur sentiment d’élévation. Sur "Fallen Cities", des field recordings nous amènent dans un lieu de prière, alors que Fletcher reprend ses douces incantations extatiques. Avec "A Gospel", les voix se multiplient, plus célestes encore, alors que le pizzicato entête par son mystère. Il y a une épure ici où rien n’est de trop, loin de la confusion qu’un terme comme "entanglement" pourrait laisser présager. Les mots eux-mêmes sont rares tant la voix s’étire, tout comme les cordes qui peuvent friser le néoclassique mais sans jamais tomber dedans ("Theories of Entanglement"). Au final, le disque nous rappelle plus l’approche avant-gardiste du chant dans le chef-d’œuvre de Limpe Fuchs, Via, en mode plus aérien et sans le travail rythmique.
Mais c’est sûrement le morceau de bravoure du disque, "Not Exactly Gagaku" avec sa durée de quinze minutes, qui finit par nous mettre sur la voie : Theories Of Entanglement est un pur album de musique drone/ambient. Des sons soutenus aux variations légères accompagnés par un chant de sirène d’une délicatesse exquise alors que le saxophone baryton de Plee Lawrence apporte une dimension de musique sérielle et contemporaine puis laisse la place aux prises de son de Richard Beresis dans un temple bouddhiste à Kyoto. Car au bout du compte la musique de Kate Fletcher se rapproche bel et bien des mantras. Il suffit de fermer les yeux, respirer profondément et le décollage est garanti.
