Le nom de cette très, très jeune entreprise innovante française pourrait vite entrer au panthéon d'une foule de musiciens à l’affût de solutions et matériels susceptibles de leur ouvrir de nouveaux champs de créativité. Kernom, dont l’aventure débute, conçoit et innove à leur service. Esprits visionnaires.
Cette fin 2021, pour elle, c'est le grand saut. Kernom lance sa toute première référence sur le marché : la RIDGE, une saturation à la technologie révolutionnaire et présentée comme la toute "première pédale analogique augmentée au monde". Impliquant aujourd’hui les personnes d’Antoine Petroff, Jérémy Savonet, Charles Riche et Nicolas Joos, Kernom a son éthique et porte en elle plus que des promesses : une infinité de possibles s’ouvre. Obsküre, impressionné par la démarche, est allé à la rencontre des fondateurs du projet. Et à l’heure où se lance la campagne RIDGE sur Kickstarter, nos quatre hommes parlent d’une seule voix. Où il est question d’innovation, de flexibilité d’usage, et de… The Cure. Eeeh, oui.
Obsküre : Pour être musiciens vous-mêmes, qu’est-ce qui motive pareil projet d’entreprise ? Prend-il racine dans vos propres besoins ?
Kernom : En tant que musiciens et ingénieurs du son, c’est l’envie de développer de nouveaux outils inspirants et stimulants pour les musiciens qui nous motive. De nombreuses inventions ont participé par le passé à faire émerger de nouveaux courants musicaux, et nous voulons amener notre propre contribution aux musiques de demain.
La technologie inaugurale développée par Kernom, l’Analog Morphing Core (AMC), combine la chaleur de l’analogique et la précision d’un réglage numérique modulable à l’infini – ce que l'on retrouvera dans votre première référence, la RIDGE Overdrive. Dans le rock ou le metal, mais pas que, votre innovation risque d’interpeller… Selon-vous, existe-t-il des profils de musiciens prioritairement concernés par l’invention que vous vous apprêtez à mettre sur le marché ?
À notre avis, la RIDGE s’adresse avant tout aux musiciens qui auront envie d’explorer des nouvelles sonorités, tout en retrouvant des bases dont ils ont l’habitude. En ce sens, et c’est comme cela que nous l’avons conçue, elle n’est pas limitée à un style musical, et pourra être utilisée à la fois pour des gros sons saturés de guitares électriques, des nappes de synthés avec des textures originales, à des sons de piano électriques étranges… l’exploration sonore est le maître mot.
Le progrès technique le veut : il y a, derrière une invention, un diagnostic posé sur les limites des technologies disponibles voire dominantes, trouvant en l’occurrence à s’appliquer à l’outil pédale d’effet. Quelles sont les limites aux possibles que vous cernez le plus fréquemment dans les matériels les plus présents sur le marché ?
Il y a selon nous un manque d’outils qui soient à la fois inspirants et polyvalents. Les meilleures pédales actuelles sont la plupart du temps limitées à une sonorité unique, l’alternative polyvalente pouvant se trouver sous forme de multi-effets numériques qui simulent le comportement d’effets mythiques sans jamais y parvenir totalement, associés à une interface utilisateur proche de système informatique, avec des menus déroulants sans fin. Nous avions envie de casser ce paradigme, en créant un produit capable de couvrir beaucoup d’usages, mais avec une personnalité marquée, inspirée forcément de beaucoup de sons mythiques du passé mais proposant des possibilités nouvelles.
Dans votre conception des objets et produits, quelle place occupe la simplicité de l’accès à la technique ?
C’est l’un des aspects primordiaux pour nous, que nos produits soient les plus intuitifs et faciles à utiliser possible, pour laisser au musicien toute son énergie pour créer de la musique et favoriser son inspiration, plutôt que de l’obliger à lire un long mode d’emploi avant de pouvoir jouer une note.
Votre technologie est-elle transposable à d’autres gammes d’effets que la saturation, et au-delà de ça, dans quel sens souhaiteriez-vous monter une "collection" Kernom ?
Oui, dès le départ, à l’origine du projet, l’idée a été de pouvoir créer toute une gamme de produits : d’autres pédales de saturation de type fuzz par exemple, mais aussi des amplis ou des effets plus étranges. L’idée est aussi que ces différents produits interagissent ensemble de façon intéressante. Les possibilités sont vraiment très vastes.
Le châssis en aluminium extrudé de plusieurs millimètres d’épaisseur laisse supposer, chez Kernom, une ambition de durabilité pour les objets conçus. Dans quelle éthique de conception vous inscrivez-vous ?
C’est vrai, nous avons à cœur de proposer des produits aussi durables que possible, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, un produit pour musicien doit pouvoir résister à un usage exigeant : sur la route en tournée, dans un bar bondé… dans le cas d’une pédale d’effet le mode d’utilisation implique qu’on appuie dessus avec son pied ! La robustesse n’est pas facultative. De plus, nous voulions proposer un produit qui puisse inspirer un musicien et l’accompagner tout au long de sa vie. Nos produits sont fabriqués en France, dans une usine qui travaille sur des projets dans le domaine médical : ils offrent le plus haut niveau de qualité et de fiabilité possible, tout en restant accessibles. Nous voulions faire le produit d’une vie, qui se garde et devient un compagnon au long court.
Exposez-nous trois références d’albums studio, toutes époques confondues, qui pour vous restent des modèles dans l’exploitation de l’overdrive, que ce soit dans sa genèse et/ou son traitement en studio…
Nous avons choisi des albums qui nous ont avant tout marqués, et qui couvrent trois façons différentes d'utiliser les overdrives et autres effets de saturation.
En premier lieu Disintegration, The Cure, sorti en 1989. Les multiples couches d'accords de guitares saturées, se mélangeant aux nappes de synthés, créent une densité sonore impressionnante, proche d'un orchestre symphonique, et participent à l’univers à la fois nostalgique et envoûtant de l'album. La magie de Robert Smith et Dave Allen à la production. C’est pour nous le meilleur du son new wave.
Ensuite: Le Noise de Neil Young en 2010. À l'origine, Young voulait enregistrer un album solo purement acoustique. Mais rapidement, Daniel Lanois, producteur et ingénieur du son de l'album, sort sa collection d'amplis vintage, et là …. Les amplis poussés très très fort deviennent des overdrives d'une puissance phénoménale. On a l’impression que dix guitaristes jouent en même temps, alors que toutes les prises ont été faites en direct en solo. Neil utilise en plus une guitare Gretsch de 1950 qui permet d'envoyer le son dans des amplis différents selon les cordes jouées, ce qui participe à cette énergie sonore totalement unique.
Et enfin Life Metal de Sunn O)))), sorti en 2019. Le groupe est connu pour ses textures de sons saturés absolument incroyables, créés à partir de multiples effets d’overdrive: des pédales, des amplis, mélangés les uns aux autres pour trouver le son drone ultime. Pour cet album, ils enregistrent en plus chez Steve Albini, maître du son analogique qui n'utilise que des bandes pour cet enregistrement, ajoutant un grain sonore supplémentaire.
Quelles valeurs vous réunissent à travers ce que vous entreprenez tous les quatre aujourd’hui ?
Nous sommes unis par une passion commune pour la musique et le son en général. Nous nous sommes rencontrés en travaillant chez Devialet au développement et au lancement de l’enceinte Phantom. Nous partageons la volonté de défricher de nouveaux territoires sonores et d’emmener les musiciens avec nous dans cette exploration !