Des nouvelles d'Italie : Kiša est formé de membres d'European Ghost, que le label UPR avait déjà épaulés avant leur passage chez Icy Cold Records. Au côté de Giuseppe Taibi (synthés, boîte à rythme), Cristiano Biondo (paroles et chant sur "Le Désespoir"), on découvre Gianluca Modica (basse), Daniel Bastijanic (guitare, chant, paroles), Angelo Casarrubia (guitare), Marcello Petruzzi (chant et paroles), Luigi Rosso (batterie et chant), ainsi que l'invitée Francesca Bono. La musique de ce collectif s'écarte du rock "gothique" pour embrasser les ondes noires et tumultueuses de la dark americana / southern gothic / alternative folk, etc.
C'est racé, élégant, y compris sur l'instrumental qui ferme cet album ; les méandres mélodiques captent l'attention et derrière le cahier des charges bien tenu se dévoile une personnalité complexe. Ainsi, l'expérimentation magnifiée par les plaintes des instruments sur "Broken Glasses" évoquera pour certains Tuxedomoon. "Sailing Anthem" surprend également par la mise en avant très années 1980 de la boîte à rythmes sur une voix spectrale et envoûtante. C'est aussi la voix qui séduit, grave et douce sur "Same old black Hole", un titre chanté par Luigi Russo. La basse sait prendre sa place avec une belle âpreté le temps de "Call It Love" puis plus loin pour le sombre "Atoms and Void", l'un des moments forts de ce disque, proche sur sa première moitié d'un univers à la Editors première période ; puis le groupe se laisse aller à davantage d'émotions, s'éloignant d'une structure classique pour obtenir une composition évolutive.
Les possibilités données par le chant partagé permettent à Kiša de proposer des titres en serbe, anglais, espagnol et français. C'est Francesca qui chante la ballade orageuse "Desvelado" : l'intention est bonne avec ce genre gothique folk, mais la mélodie globale ne cherche pas la brillance. Les espaces sont moirés et nécessitent de comprendre le fonctionnement : une structure répétée et hypnotique (un peu à la manière de Fields Of The Nephilim, en fait) sur laquelle se greffent des jaillissements qui vont et viennent.
Ce jeu de la pluralité des interprètes, des voix et des compositions crée une sorte de brouillage : l'ensemble fonctionne avec une tonalité sombre indéniable (cette basse me plaît), mais pour l'instant le groupe se fait encore insaisissable, secret et mystérieux. Un peu plus de dévoilement et de mise en danger par l'exposition permettront de combler une attente déjà bien menée sur ce premier jet.
