Le retour de Klone avait été annoncé il y a quelques temps par le biais d’un clip vidéo d’une grande beauté, marqué par une esthétique et un sens du détail remarquables pour le titre "Yonder". D’emblée, on comprenait que le groupe poitevin comptait frapper un grand coup. Les ambitions certaines du groupe, portées par un récit onirique évoquant les grands espaces et soutenues par une ligne musicale très sensible, donnaient des indications fortes : Klone a désormais tous les atouts pour jouer en première ligue.
Les derniers travaux de Klone les avaient amenés sur le terrain de l’acoustique : c'est en mode unplugged qu'ils s'étaient récemment produits, et avec un succès grandissant. Cette démarche d'épure a sans aucun doute apporté beaucoup à la cohésion du groupe et à la nécessité de placer l'écriture avant toute de chose. C'est Guillaume Bernard, membre d'origine et guitariste principal, qui s'est essentiellement attelé à cette tâche - avec semble-t-il une vision nette de l'objectif à atteindre, tant la cohérence musicale est grande.
Les neuf titres du Grand Voyage font ainsi l'objet d'une minutie dans le choix de chaque note, sans surcharge ou effet de manche inutile. Cette épure n'implique pas pour autant une approche austère : les titres sont tranchants et efficaces. Et si l'étiquette de metal progressif pourrait inquiéter certains, nulle crainte : des touches de piano, de saxophone sont simplement distillées avec parcimonie et toujours au service de la musique.
Évidemment, cet album n'a pas pour intention de réinventer un genre et se pose en digne successeur de Here Comes The Sun (2015). Mais le groupe fait preuve d'une grande maturité, et propose là un sans faute tant on est pris par la qualité de l'ensemble. Le chant de Yann Ligner répond également à tous les standards qu'on peut attendre d'une œuvre aboutie : des lignes envoûtantes, une expression limpide ainsi qu'une retenue permettant un liant global d'une belle solidité. Le soin apporté à la production prouve que Klone a désormais passé un cap en termes qualitatifs. La réverbération est ici largement utilisée, mais dans un esprit d'ouverture, de densification et au final, cet album donne la sensation à l'auditeur d'entrer corps et âme dans un univers drapé de textures ensorcelantes. Une pureté dans le son, une précision dans le placement de chaque instrument confère à ce voyage auquel Klone nous invite une allure de cheminement initiatique, quasi chamanique, à la fois très excitant mais aussi particulièrement apaisant.