Le cut-up de Burroughs a profondément marqué en technique la fabrication du troisième format long du projet post-industriel Kollaps. Saisissante et assez atypique, cette vibration martelée récemment sur la scène du Roskilde puise aux sources du mode opératoire industriel : fabrication de son à partir de matériaux détournés de leur utilité première. Le groupe n’en fait pas mystère et revendique pêle-mêle et entre autres grilles métalliques, palan rouillé, cylindres de ciment. Alors, fatalement, jaillissement d’une présence au son, à l’ambiance : celle d’un certain Berlin Ouest, celui du début des années 1980. C’est fort, acéré, vrai. Écrit, enregistré et mixé par Wade Black et bénéficiant de percussions additionnelles signées Giorgio Salmoiraghi, masterisé par le sachant James Plotkin, le son d’Until The Day I Die est convulsif (l’imposant "I Believe in the close Fist") et le projet prend en 2022 une épaisseur inédite.
Le bruitisme certes consommé des Australiens n’est pas une fin en soi. Il sous-tend simplement, avec constance voire ardeur ("The Hand of Death") des constructions percussives et pénétrantes ("Hate is forever"). Une sculpture, pas un extrémisme harsh noise. Kollaps ne veut pas voir son art réduit à une figure bruitiste, et rappelle au sein même de cet Opus III son attachement aux formes les plus basiques de l’expression musicale. Cet "épanchement racinaire" survient au gré d’un exposé folk dégradé et touchant : celui qui fait le lit du titre éponyme. Résonance naturelle, nudité. Des humains fabriquent cette musique, ils veulent le rappeler dans un langage dont la tournure de forme peut être universelle. Radicalité, mais chair : un potentiel déployé, assumé.
Sans aucun doute, voici l’œuvre la plus intéressante et achevée par Kollaps à ce jour, réalisant en creux une ambition de fond : celle, entreprise ouvertement à travers un morceau tel que "I Believe in the closed Fist", de vous faire saisir le contraste entre ce que nous percevons, croyons ou nous représentons comme la banalité d'un quotidien, et les puissantes forces qui travaillent l’intériorité des êtres et font de l’existence une expérience de profondeurs et de sensations, une expérience d’intensité. Sexe, religion... what else ?