L’album, sans titre, aurait pu s’appeler True Love Will Find You In The End… puisque ce graffiti est reproduit au dos du disque, sur la photo d’une palissade masquant un petit terrain en friche.
Formé pendant le confinement, en parallèle à des participations à d’autres groupes, La Faiblesse réunit deux femmes et deux hommes, le chant se partageant entre voix masculine et féminine. Les paroles sont en français, hurlées assez régulièrement sur un fond post-metal, post hardcore ("Tout se perd"). Pourtant, très vite arrivent des passages émotionnels, en guitares claires à peine saturées et chant rauque, feulé ("Je l’aime autant que je la hais"). Sur "Mourir à Ramsgate", la belle voix d'Isaac Ashby (du groupe College) apporte une touche soul captivante, point d’équilibre entre plages calmes et instants plus furieux. Cette richesse avait séduit le label Guerilla Asso qui a sorti leur premier album, Ma Vie d’avant en 2021.
Les climats, entre rage et éclaircies, nappages de riffs et pointillés de beauté, ont un ton qui évoque les heures de Karate, Pregnant ou encore le crépuscule des Thugs. La répétition permet de multiplier et approfondir les réactions suscitées par la musique et les fêlures de la voix ("Oser, laisser le Vide"). Comment exprimer des nuances, passer de la colère à la plainte, dans un format qui ne peut se satisfaire des couplets-refrains ? En s’autorisant des plages aux longueurs variables et, dans les plus longues, composer et enregistrer des outros dignes, aux claviers ("Oser..."). Ou alors, en à peine plus de trois minutes, construire un titre en accrochant les instruments les uns après les autres, laisser tourner la délicatesse, annoncer par un larsen discret l’éruption, puis marteler la batterie alors que la voix laisse traîner les syllabes. Enfin, concasser à la manière d’un métronome amoureux pour clore ("Pendu mais vivant").
Le groupe sait être uni dans la formation d’attaque, tout en se donnant des espaces de liberté (le chant soudain limpide), pour mieux revenir à l'homogénéité des intentions ("Après la Pluie"). Il s’appuie sur son vécu pour écrire ses poèmes : ainsi "Mourir à Ramsgate" fait un lien avec le studio d’enregistrement Century Audio, sis à Ramsgate, une station balnéaire du Kent en Angleterre. "Ma Vie d’avant" reprend le titre du précédent long format, les personnes croisées coécrivent des textes ou participent à la traduction des paroles.
La maîtrise de la captation offre un spectre sonore intéressant, qui laisse la place aux instruments, comme le jeu de la basse, délié qui s’oppose à la frappe sèche de la batterie, aux riffs noisy et aux notes lead des guitares sur "Tout se perd". La spatialisation crée un trouble, juste avant qu’une interview mise en musique fustige la notion de "vivre ensemble" ; c’est la rappeuse du Blanc-Mesnil Casey (elle a aussi collaboré avec Zëro ces dernières années) qui explique sa vision d’une société française loin des caricatures. C’est astucieux et ça oblige à écouter pour comprendre les nuances. Mais, comme des idées restent "unspeakable", un sample en anglais surgit des volutes de "Ma Vie d’avant".
J’aimerais placer ce groupe en complément à Birds In Row : comme eux, on ne triche pas chez La Faiblesse et on se décarcasse pour trouver une nouvelle voie au post-hardcore, à l’émo, à ces musiques à guitares qui refusent les cases toutes faites.
