Le premier riff défouraille en mode skate-punk à la Sixpack, puis on a un entrain plus pop qui se lance, des variations harmoniques minimales et bien senties, une voix revenue de tout et qui n'en fait pas des tonnes, qui est là tout simplement. Et on sourit béatement face à ces sons à la fois datés et face aux frissons qui gagnent les bras. Lane, c'est les Thugs ressuscités, leur fougue de nouveau suscitée, leur savoir-faire cité. "Voices", "Sing to the Last", "Black Gloves", "Lollypop and Candy Cane" : on a beau savoir que Lane, c'est un nouveau projet (Love And Noise Experiment), on est dans la ligne des derniers albums des Thugs (post International Anti Boredom Front), avec la mélodie et la rage entrelacées. C'est leur second album sous ce nom qui a réuni d'anciens Thugs (Pierre-Yves et Eric Sourice) et d'anciens de Daria (Etienne et Camille Belin ; dont nous avions aussi dit du bien par ici) auxquels est venu s'ajouter le fils de Pierre-Yves : Félix.
Alors, oui : Daria a apporté sa science mélodique et rythmique (ma référence à Sixpack, ça vient d'eux) et sans les trois autres, je doute que les frères Sourice aient pu asseoir un tel retour. Mais, si je cite les Thugs (alors que le groupe veut communiquer sur "un groupe neuf"), c'est que Lane mérite le même engouement que ce premier gros groupe d'Angers (Daria sont aussi d'Angers) et qu'il faudrait que chaque ancien fan des Thugs se réveille enfin. Le lien avait été fait pour leur premier EP et leur premier album, tous deux sortis sur le label maison 19 Something. Il faut sans doute s'appuyer dessus pour ne pas passer à côté...
Quelques morceaux sont plus en retrait, choisissant la narration et l'exposition plus calme des sentiments, plus introspectifs aussi que la tonalité sociale qu'avaient les Thugs. "So many Loves" est de ceux-là. Ces titres donnent un aspect plus mélo-grunge qui conforte l'autre versant et qui gagne en concert dans les changements fédérateurs de chants qu'ils proposent. "Homicide" place le chant au sommet, narquois et distant, soutenu par ces rangées de guitares sur le refrain. Chaque couplet voit les instruments batailler les uns avec les autres, s'amusant de la ligne mélodique : du bruit, mais maîtrisé. "Family Life" évoque en partie un Cure ou un Dinosaur Jr des années 90 avec sa ligne claire sur le riff principal, mélancolique et sautillante. "Last Generation" possède cette évidence des titres college-radio américains (Ah ! ce break avec cette basse et cette guitare qui insiste...).
Et puis, il y a cette poignée de titres languides, où la basse se fait entendre davantage, prenant le temps d'installer un tempo, marqués par un jeu de batterie propre et soigné : "Electric Thrills" et ses cinq minutes de grâce dont un final déjà culte ; "Life as a Sentence" et son groove heavy-prog qui laboure efficacement ; "It's only Love", un poil désuet mais terriblement addictif ; "Pictures of a Century" où la guitare chante à son tour et gémit et se tord avec délices en léger mode noise. Michel Toledo les a enregistrés à Carpentras et le son qu'il donne est respectueux de chacun et de la temporalité. Nul besoin de faire sonner différemment ces compositions : elles ont le goût des madeleines et leur structure tout comme leur interprétation leur donnent un cachet atemporel : celui des compositions parfaites.
On a envie de leur dire : assumez le passé, ne changez rien, éclatez-vous comme on le sent tout au long du disque. Vous faites avec justesse ce que vous savez faire. Peu de groupes finalement ont cette manière, cette chance.
