Lassitude est expérience. Une forme purement sonore, découpée en deux segments d’égale longueur. L’Australien nous plonge dans un gouffre drone abyssal, un territoire où le temps et l’espace semblent suspendus. Rien de superflu, juste des fréquences qui évoluent de façon infime ; on pourrait associer visuellement ce disque à un marécage, une sorte de synthèse extrémiste de tout son art en somme. "Saccade (for Éliane Radigue)" est un hommage à la musicienne française, ancienne assistante de Pierre Henry au studio APSOME, devenue la pionnière de la musique bourdonnante faite à base de synthétiseurs. On ressent ici clairement l’influence déterminante de cette grande dame. Le morceau s’étire sur vingt minutes, alternant entre aigu et grave, se délestant progressivement d’oripeaux stridents, devenant moins obsédant pour nous induire dans une hypnose intense. La vibration cosmique se déroule, fragile, sombre parfois, un ailleurs puissant qui captive. Car s’il y a économie de moyens, le propos reste toujours aussi révolutionnaire.
Ce dépouillement cathartique offre des perspectives insondables, permettant la transe, la méditation, nous enjoignant à nous recentrer et à écouter attentivement. Son ami Tony Conrad lui disait d’ailleurs : "Le minimalisme ne signifie pas moins, il veut dire plus profond." "Lassitude" s’avère plus ambient, complètement apaisé, un souffle bienveillant, statique, onirique et totalement non événementiel. Une couverture sans aspérités, déployée aussi sur une longue durée ; à savourer les yeux fermés au cœur de la Dream House de La Monte Young et Marian Zazeela… La note primordiale, l’essence de la musique des sphères, une vision musicale mystique évoquant les traditions spirituelles indiennes et s’inscrivant dans un certain courant de l’art contemporain.
Cet opus témoigne une nouvelle fois de la grande vision qu’a Lawrence English de l’expérimental, avec toujours cet immense talent et ce souci constant de proposer une œuvre cohérente, de la même manière qu’un certain William Basinski.