Thierry Boucanier, organisateur de soirées parisiennes faisant date mais aussi auteur (Batcave Memories, Virgin Prunes - Une Nouvelle Forme de Beauté, The Batcave 1982-1985), publie dans quelques semaines, aux alentours du 20 février chez Camion Blanc, Goth - Histoire d'Une Subculture : un volume analytique, de réflexion et de souvenirs sur les sources et l'arborescence des mouvances dark. Où il retisse le fil d'une mouvance ayant marqué le paysage cinématographique, musical et littéraire... au mépris parfois de ceux que le public considère comme acteurs prépondérants du phénomène ! Paradoxal, non ? Entretien.
Thierry Boucanier : Goth - Histoire d'Une Subculture retrace, comme son sous-titre l’indique, l’historique d’un mouvement aux ramifications multiples. J’ai voulu comprendre et expliquer ce qui pouvait relier entre eux certains homonymes qui à priori n’avaient à la base rien à voir les uns avec les autres. Des tribus barbares d'il y a deux mille ans, d’une forme d’écriture, d’un type architectural, artistique, littéraire, cinématographique à une certaine musique et une mode spécifique, il s’agit bien là d’un parcours initiatique qui permet à travers toute sa richesse et sa complexité de mieux appréhender ce que l’on appelle à présent une culture ou plutôt une subculture, car souterraine, cachée et non reconnue voire souvent rejetée car incomprise - ce qui permet d’en garder tout son mystère et son authenticité.
C'est une culture protéiforme, au référentiel chargé...
On l’appelle la culture de l’ombre ou des ténèbres. Elle est froide, obscure, menaçante, et souvent d’une beauté glaçante à travers les différentes formes d’art qui la représentent. Pourquoi un tel attrait vers le macabre, le nocturne et tout ce qui ramène à nos peurs ancestrales ? Qu'est-ce qui relie entre eux des noms tels que Horace Walpole, Ann Radcliffe, Mary Shelley, Bram Stoker, Charles Baudelaire, Eugène Viollet-le-Duc, John Everett Millais, John William Waterhouse, Gustave Doré, Jérome Bosch, Lord Byron, Bela Lugosi, Christopher Lee, Joy Division, Bauhaus, Siouxsie, The Sisters Of Mercy ou encore Vivienne Westwood, parmi tant d’autres, et qui semblent n’avoir rien en commun à priori ? Pourtant ils ont été les acteurs, parfois involontaires et à un moment précis, d’un mouvement artistique initié par certains groupes. Il n'a émergé que tardivement au début des années quatre-vingt en récupérant d’anciens codes et en les intégrant petit à petit à un ensemble qui a acquis une certaine cohérence au final... Cet ouvrage, qui représente plus de trois ans de travail et de recherches, tente de répondre à toutes ces questions.
Qu'est-ce qui a motivé ton écriture ?
Il m'est apparu essentiel et logique de par mon attachement à ce milieu depuis plusieurs décennies, de me lancer dans ce projet ambitieux - d'autant plus qu’il n’existait pas de tel ouvrage paru en France pour l’instant sur ce mouvement dont les médias parlent tellement mais qui reste si méconnu voire maltraité. Il représente le fruit d’une passion vécue à travers de nombreuses rencontres, de concerts, d’organisation également d’évènements dans le milieu goth parisien depuis plus d’une trentaine d'années, de nombreux disques, livres et films qui m’ont marqué et ont façonné cette culture, de rêveries au milieu des gargouilles d’imposantes cathédrales, d’allées de calmes cimetières chargés d’histoire ou de divers musées présentant les plus belles œuvres de l'histoire de l'humanité. Car c’est bien de cela qui s'agit : une partie de notre histoire commune et de notre héritage culturel. Bienvenue dans les ténèbres du romantisme noir.