Alors que j'avais écouté distraitement les sorties précédentes de Lead Into Gold (et ça remonte à 1990 et 2018), ce troisième long format m'a immédiatement accroché. La bascule vers la reconnaissance du talent s'effectuant avec la répétition hypnotique relevée de cuivres synthétiques sur "The Surface", titre central.
Suivre les travaux du talentueux Paul Barker (ex-Ministry) est une tâche nécessaire, tant l'entité de Ministry a généré de projets fantasques et souvent bons (Lard, Revolting Cocks, 1000 Homos DJ, Pigface….). Paul Barker le bassiste et producteur n'est pas en reste avec pas mal de projets où il intervient (USSA, Flowering Blight, Bells Into Machines, Puscifer...). Mais voilà, il me manquait à chaque fois une étincelle et je n'y trouvais pas ce que je cherchais.
Avec The Eternal Present, l'allumage a lieu dès le titre éponyme : les sons travaillés, la lenteur majestueuse, la montée du titre vers des sommets inquiétants tempérés par des chœurs discrets et efficaces, un sentiment de fin du monde et surtout une maîtrise parfaite de la dimension électronique ont fait la différence. Et, il y a cette bascule en sonorités Nine Inch Nails hyper convaincante au bout de trois minutes. Avec le troisième titre, "She lies beyond" (le plus long du disque, presque huit minutes !), je retrouve aussi une ambiance à la manière de Trent Reznor (même si les chatoiements percussifs sont plus délicats ici), et au fur et à mesure de la découverte de l'album, j'en viendrais à une pirouette : et si cet album de Lead Into Gold était le chaînon manquant entre Pretty Hate Machine et l'EP Wish ? Non pas pour réduire Barker à une copie de NIN, mais bien pour attester du haut degré de perfection de ce disque.
Le Intruder de Gary Numan m'avait plu, mais sans avoir cette prestance, selon moi. Là, l'air de rien, Barker place la barre encore plus haut. On n'est pas non plus dans le blocage passéiste : "The Surface" témoigne de l'époque avec des stridences désaccordées qu'on apprécie chez The Soft Moon ou A Place To Bury Strangers et la qualité du spectre sonore et du traitement des sons rappelle l'implication de Barker dans la création/production de synthés et pédales d'effets (pour Malekko Heavy Industry Corporation). Les effets de cor modulent la majesté de "The Sea the Sun the Past the Sum" tandis que la voix chantonne sa mélopée immuable au regard du fracas progressivement atteint (avant une note finale qui semble sortie elle aussi de NIN).
Les passages dark possèdent une gravité sourde et méchante, pesante, sur laquelle la voix se fait mutine, les samples offrent des breaks troublants ("The Final blows"). On retrouve d'ailleurs dans cette ligne des basses un peu de la science des Revolting Cocks et le résultat est bien évidemment artistiquement plus riche que ne le sont les travaux de Jourgensen, ainsi va la vie. L'instrumental "Fugue (for BR)" porte plus loin l'attaque avec un équilibre tout juste tenu entre tapage industriel (la frappe de la batterie, les stridences et les nappes qui s'additionnent) et mélodie de la guitare. Dans ce déluge varié des possibilités, il reste la voix, sans doute trop homogène d'un titre à l'autre et dont pâtit "A thousand Licks" avant le final époustouflant de noirceur qu'est "Tell Me again", là encore hypnotique et profond.
Notons que cet album dense et précis, The Eternal Present, rejoint la liste des disques de huit titres indispensables (Horses, Pornography, Powerslave, Raw Power, Come On Pilgrim, Ride The Lightning... à vous de compléter).