Leonov, le nom résonne comme l’appel lointain d’une mission spatiale soviétique. Les guitares pleurent, le son s’éloigne et chavire. Telle est l’essence de Procession, disque délicat aux contours obscurs. Le quintette d’Oslo, formé il y a près de quinze ans, délivre une musique à l’anémie vigoureuse. Trimballé entre post-rock et sludge homérique, l’auditeur s’agrippe aux notes malades, avant de sombrer. Cet opus prolonge une oeuvre inquiète. Entre hypnotisme lancinant et bataille extrême, on est secoué par une forme tribale ("Amer"), avant de revenir vers des rivages spleenesques fleuris ("Procession") et ce n’est que le début ! Voix féminine puissante, accords tendus, la grisaille gagne du terrain progressivement… On invoque Esben And The Witch pour la tiédeur macabre et le sens de l’ambiance noire. Ensuite, des atours plus stoner doom drapent également l’album. La gravité organique de "Sora" rappelle Earth, dans sa dimension désespérée.
Puis, des touches plus lourdes s’invitent, comme sur "Oreza" où le spectre des Melvins émerge, tendant son doigt famélique vers l’infiniment dark. Les musiciens maîtrisent les tempos, les breaks et les émotions ; ou le caractère post-metal dans une splendeur et une misère grandioses. Trop de tension sourde fatigue néanmoins. L’écoute est belle, mais l’intention est parfois mal définie. Heureusement, les perles ravivent notre intérêt. En effet, lorsque le silence paraît et que les lignes deviennent plus claires, le cœur s’exprime enfin. "Mesos" se distingue grâce aux manœuvres éthérées judicieuses du groupe. Une évanescence sépulcrale magnifique en mode minimaliste, un propos qui nous ravit (évidemment). Il y a de la profondeur et une forme vitale séduisante. De même, "Son" époustoufle par sa mélancolie, son sens du tragique. Sa douceur réconforte et nous fait penser aux meilleurs moments de Tenhi. Cette pièce de clôture est absolument parfaite, apaise et confirme le talent des Norvégiens. Procession est une expérience.