Après cinq ans d'existence, trois EPs imparables et des dizaines et dizaines de concerts survoltés, il était temps que le duo parisien Leroy Se Meurt passe l'étape du premier album. C'est chose faite, cette fois sur le label Mannequin Records après avoir été découvert en 2019 par Enfant Terrible. Leur electro explosive se fait plus rock et plus charnelle ici, avec de nombreux samples de guitares et de basses, ce qui peut étrangement rappeler les Young Gods du premier album sur un titre comme "Crève tes Yeux et regarde". En mélangeant l'énergie du punk hardcore avec l'EBM et une poésie brute, Volkan et Mathieu reprennent quelque part cette forme de musique industrielle initiée à l'époque de "Jimmy" et "Envoyé". Les deux groupes ont eux-mêmes été marqués par le synth-punk de DAF, et cela se sent toujours sur un morceau comme le possédé "Bencil Ilki" (un des temps forts du vinyle), qui ne pourra déplaire aux amateurs de Nitzer Ebb ou du Oomph! du premier album.
Leroy Se Meurt n'hésite pas à piocher aussi dans la techno pour son haut niveau en BPM ("Veuve 909") et ses breaks typiques pour toujours mieux bastonner dans la partie finale. Car les musiciens ont clairement le but de vous faire suer sur le dance-floor. Au-delà de ce mélange des genres, le chant en turc, partagé avec le français, est une autre singularité. "Kacis", avec un son plus post-punk, pourrait être le titre le plus calme, c'est pour dire à quel point ça tabasse. La puissance de leur univers naît justement de ce contraste entre un chant torturé et une musique groovy, tantôt martiale tantôt speedée, créant une transe nerveuse totalement hypnotique (le répétitif "Orage" qui pourrait commencer comme du krautrock avant de mettre les curseurs à fond). Et même si cet album apparaît comme ce qu'ils ont fait de plus punk ("Liquide"), la dimension sombre est maintenue, surtout quand on écoute le fabuleux titre bonus que l'on ne trouve que sur la version digitale : "Sentence". Plus atmosphérique et symphonique, il envoûte avec des sons amples, des percussions industrielles et un climat qui plaira aux amateurs de December et de darkwave nocturne et dépressive. Dommage que ce morceau n'ait pas été retenu pour le vinyle car il ouvre encore de nouvelles perspectives à ce projet qui n'en finit pas de nous surprendre et qui reste une des expériences live les plus intenses du moment.
À signaler : une pochette signée par Elzo Durt, qui travaille régulièrement avec Born Bad, et qui souligne l'aspect mystique et infernal de cette musique.
