Les Jumeaux Discordants avaient fait sensation dans le milieu dark de la fin des années 2000 avec leur combinaison de la beauté mystique de Dead Can Dance, des ambiances crépusculaires et martiales du label Cold Meat Industry et d'une poésie symboliste mise en forme par un chant féminin possédé dans la lignée du Saint Of The Pit de Diamanda Galàs. Cette voix, c'est celle d'AimA qui s'est illustrée dans de nombreuses autres collaborations depuis, dont la dernière en date, AimA And The Illusion Of Silence. Quant à la musique de Roberto del Vecchio, elle combinait des aspects rituels, néoclassiques, ambient et industriels. Sons de cloche, percussions plombées, saturations nocturnes, mélancolie menaçante, orgues maléfiques : cet univers s'inscrivait clairement dans la lignée de The Moon Lay Hidden Beneath A Cloud, Arcana ou Raison d'Être et il n'en a pas fallu moins pour séduire le label mythique Athanor, qui a publié deux albums du projet : Sang Pour Sang (2010) et Les Chimères (2015).
Ce mini-album reprend en versions remasterisées les six titres de la première démo originale du duo, l'essence même de ce qu'ils allaient développer par la suite, et peut-être leur face la plus noire aussi. Quatre de ces morceaux avaient été retenus pour le premier album, mais "The white Room" et "Betrayed Bride" ne demeuraient accessibles que sur ce CD-R originellement publié en 2007 et limité à cent copies, d'où sa rareté. On retrouve donc ici l'esprit du Sang Pour Sang, incantatoire, démoniaque et incontestablement beau. La langue française y est mise en avant ("Malédiction, "Le Destin", "Être"), avec la diction si singulière d'AimA. "Almas Spiritus" mélange latin et italien, dans un spoken word envoûtant, qui gagne au fur et à mesure en intensité grâce aux motifs circulaires et entêtants de la musique. Car chaque morceau des Jumeaux Discordants s'apparente à un rite, tout en se limitant à des formats assez courts pour ce genre de son. Pour ce qui est des inédits, "The white Room" est un instrumental fort intéressant car il développe une électronique plus industrielle et moins rattachée directement à la scène dark ambient. La grande découverte reste néanmoins "Betrayed Bride" (apparaissant ici dans une version augmentée) avec sa superbe ambiance de folie religieuse, où la mélodie se déforme peu à peu en apocalypse personnelle et existentielle, jusqu'au final dissonant et terrifiant.
Un must-have pour les amateurs du groupe.