Le mythe du Golem version horrifique
Voilà trente-trois ans que la Maison Delcourt comble tous les passionnés de BD avec un catalogue riche de plusieurs milliers de références tous styles confondus. Fidèle à sa volonté de mise en avant de jeunes auteurs, elle a accueilli récemment le duo très prometteur Durand-Ferret pour l’envoûtante trilogie Les Métamorphoses 1858, dont les deux premiers tomes sont parus cette année. Entre polar horrifique et récit fantastique voire d’anticipation, Alexie Durand et Sylvain Ferret (qui signent là leurs deux premières œuvres) font montre d’un style graphique déjà affirmé pour l’un et d’un sens de la narration maitrisé pour l’autre. Palpitant.
Synopsis : Nous sommes à l’été 1858 au cœur d’un Paris où le fossé social entre petites gens et classe aisée est posé, une jeune couturière disparaît dans la plus plate indifférence. Stanilas Andrzej, détective amateur se laisse convaincre d’enquêter sur la demande d’Emile, le jeune frère de la disparue. Ce qui semblait être de prime abord une vague histoire de fugue s’avère être un intrigue des plus morbides. Alors que d’autres femmes du même âge et de la même condition sociale disparaissent, l’une d’elles est repêchée dans la Seine, le corps "méthodiquement vidé de ses organes". En compagnie de son colocataire et ami d’enfance Joseph, Stanislas va entamer des recherches qui vont le mener peu à peu sur les traces de créatures monstrueuses fabriquées de toute pièce et dont le but est de servir une horrible machination.
De Paris à Barcelone, les deux amis se lancent à la poursuite d’un mystérieux architecte sur qui, toute l’énigme repose...
On ne vous en dit pas plus.
Un beau coup d’essai pour ces deux jeunes talents que sont Alexie Durand et Sylvain Ferret.
On apprécie particulièrement la convergence artistique entre l’univers graphique ténébreux style steampunk et le scénario haletant finement ciselé. Côté dessin, l’alternance d’encrages clairs et sombres aiguille habilement le lecteur : aux colorisations foncées, les moments de tension extrême ; aux couleurs plus claires, les instants où le récit est plus posé. À noter : le procédé ingénieux du gris clair pour signaler des retours dans le temps. Un graphisme minutieux, d’une belle facture quant aux détails. Découpage et cadrages sont très dynamiques, parfois étonnants.
Côté narration, on n’est pas en reste : l’intrigue est adroitement menée sans temps mort et tient en haleine le lecteur sur la durée des deux premiers tomes. Les influences sont multiples, l’intertextualité fonctionne plutôt bien : Mary Shelley et son Frankenstein ne sont pas bien loin, le mythe du Golem dans une version plus diabolique, non plus. Le tout signe un polar graphique très maîtrisé et qu’on ne lâche pas jusqu’à la dernière page.
Le troisième tome est à paraître en 2020, gageons que les auteurs préparent déjà une fin en apothéose.
Affaire à suivre.