Anthomologies des Tétines Noires est le contenu parfait que tout label doit avoir en tête lorsqu'il s'agit d'établir une rétrospective.
Les trois albums des Tétines Noires y sont. Les morceaux éparpillés que les fans avaient accumulés (par exemple "An immortal Verse" présent sur la compilation Out Of Majors chez V.I.S.A.) sont également présents. Il y a du live, de la démo, du remix et de l'inédit. Classique pour une rétrospective, objectera-t-on ? La différence, c'est que Les Tétines Noires ont de la matière et que le format intégral choisi cumule donc quatre-vingt-dix titres. On découvre avec stupeur que les versions démos des titres publiés sont des morceaux radicalement différents, ce qui en fait des inédits à part entière ; on s'aperçoit que les inédits sont de très bons morceaux ("Okongo", le titre "Lie down" avec une voix féminine !) et rien à redire non plus au sujet des remixes et pléthoriques live offerts ici. C'est donc une anthologie digne de Pantagruel portée par Manic Depression et Infrastition (et Icy Cold Records pour la version sélective sur vinyle), une énorme rétrospective, même pour le connaisseur que je suis, et je frémis d'avance en songeant à la foule des titres que je vais référencer en bas à gauche de cette chronique.
Pour achever la concurrence, le set déploie des visuels à n'en plus finir et la promotion par réseaux sociaux crée un bel appel d'air. Mais, et c'est ce qui importe, il ne s'agit pas d'une entreprise de réclame ou de promotion, mais d'un travail "à la française", intelligent, respectueux des artistes et animé par la plus grande des passions. On sent qu'Emmanuelle a accompagné cette sortie de bout en bout.
C'est cette même passion autour des Tétines Noires qui poussa des amies amiénoises (Véro et Delphine) à fonder un jour le fan-club des Tétines Noires. Cette même passion qui nous amena à assister à une répétition à l'Hôpital Ephémère avant l'enregistrement des versions définitives de 12 Têtes Mortes ou encore à assister à un maximum de concerts du Comte et de sa bande, y compris lors de la récente tournée.
Les Tétines Noires, en trois albums (et bien plus, comme c'est désormais donné à entendre), ont imposé un univers et des visions de ce que pouvait donner un groupe de rock en France. Ils firent le lien entre les expérimentations dada et les chemins de traverse des années 1970 (cirque, foire aux bestiaux comme sur le terriblement poétique "Petite Brouette sans Allumettes"), ils ont su charmer le label Boucherie Production et les galeries les plus hypes (on n'utilisait pas ce mot à l'époque), su magnifier Fréhel ("Pleure"), revisité les Virgin Prunes ou Neva et la folk de couloirs de métro tout en créant une poésie iconoclaste ("Les Roseaux cervicaux") dans un champ labouré par la manière d'un Bertrand Cantat. Lorsque le groupe aborda les années 1990 et le rock industriel, un peu de chauvinisme nous pousse à voir en eux des pré-Marylin Manson. Toutefois, les interludes alors proposés allaient bien plus loin dans l'innovation formelle que ce que le combo américain proposerait. Même le Christian Death de Valor les a repris. Et puis, Les Tétines Noires, c'est une époque où on peut voir le clip de "Tête, Fard et Lombrics" passer sur M6.
Quelques années avant de me replonger dans toute cette énorme discographie, j'avais rédigé une chronique de Brouettes, leur deuxième long format en l'instaurant "disque külte". Tout en travaillant sur un chantier de chambre (le meilleur moment : peindre des murs en blanc psychiatrique en écoutant Les Tétines Noires à fond), je saisissais à quel point chacun de ces disques était important, entier, calculé. Le fait qu'il y ait eu l'équivalent d'un deuxième album complet (le nombre de démo d'inédits de cette période) au moment de 12 Têtes Mortes représente à la fois un foisonnement et une sélection impitoyable pour créer une ligne directrice digne d'un freak-control (la version initiale de "Teo Tertem", plus alambiquée).
La découverte des versions alternatives dépasse mes attentes : ces musiciens (le Comte d'Eldorado, Goliam, Enthonie) avaient un imaginaire énorme, une capacité à aller toujours plus loin dans l'exécution des morceaux (la version du "Fase 1990" à Berlin en 1993 !) et à s'amuser. Une expérience scénique qui culmina intelligemment avec l'intégration de L'Homme-Objet Made In Eric et d'autres performeurs (Caen en 1994, concert représenté ici par l'inédit composite de textes "Alpha & Omega"). Les Tétines Noires fédéraient et aspiraient les talents.
Qu'Emmanuel ait été le fils de Joël Hubaut, que Les Tétines aient donné LT-No puis Dead Sexy Inc, que le groupe ait su regrouper autour de lui agnès b. et moult artistes importe peu, en fin de compte. Face à ce déferlement de sensations purement musicales, force est de constater qu'on avait eu un groupe fabuleux, trop peu reconnu en dehors de son premier cercle de fans gothiques. Lesdits fans seront comblés avec cet ensemble, que les labels ont eu la délicatesse de scinder en plusieurs volumes pour le format numérique. Maintenant que la chronique s'achève, que les quatre-vingt-dix "amis enfants cochons, ils sont avec moi, ils ne me quittent pas", je n'ose me mettre à la place d'un néophyte : "quel renversement d'idées ! quel désordre de sentiments ! quel bouleversement dans son cœur, dans sa cervelle, dans tout son petit être intelligent et moral !"...
ANTHOMOLOGIES - Tracklist :
CD 1
Botanus Tracks
01. Les Bibis de Rosemaraies
02. Okongo
03. Maronium
04. An immortal Verse
05. Emil Sinclair
06. Crazy Horses (version 1988)
07. Streap Teac (version 1988)
08. Ofai
09. Le Loup des Steppes (live)
Fauvisme Et Pense-Bête (1990)
10.Freaks
11. Petite Brouette sans Allumette
12. Fase 1990
13. Just one Life
14. O’Dogo
15. Crazy Horses
16. Les Captains
17. Streap Teac
18. Gouttes die
19. Musique en Forme de Cage
CD 2
Brouettes (1992)
01. Brouette nentale
02. A different Man
03. N&M (Histoire de Lady Na)
04. Hill House
05. Eleonor
06. Les Roseaux cervicaux
07. Imminent immoral
08. Lady Dja Lady
09. Epidemik Pakotill
10. My Nightclub-Head
11. Et la Lumière roule
12. Bras sans Jambe et glisse versa
Botanus Tracks
13. Pleure (reprise de Fréhel)
14. Head Hole (inédit - démo)
15. Têtes & clous (inédit - démo)
16. Shadow (inédit - démo)
17. Lady Memory (inédit - démo)
18. Teo Tertem (démo – version bien différente)
19. Lie Down (inédit - démo)
20. Tête molle (démo)
21. Teo Tertem (demo)
22. Empire Head Building (demo)
23. Washing Head (demo)
CD 3
12 Têtes Mortes (1995)
01. En-tête
02. Head Horse
03. Tête-à-tête n° 1
04. Envers et contre Tête
05. Tête-à-tête n°2
06. Teo Tertem
07. Tête-à-tête n°3
08. Washing Head
09. Tête-à-tête n°4
10. Tête, Fard et Lombrics
11. Tête-à-tête n°5
12. Head is a Killer
13. Tête-à-tête n°6
14. Tête préparée
15. Tête-à-tête n°7
16. Eaten Head
17. Tête-à-tête n°8
18. Empire Head Building
19. Tête-à-tête n°9
20. Tête abiotique
21. Tête-à-tête n°10
22. Tête molle
23. Tête-à-tête n°100
24. Sang, Tête ni But
botanus tracks
25. Tête, Fard et Lombrics (remix anonyme)
26. Head Horse (remix par Norscq)
27. Tête, Fard et Lombrics (remix par Deflo)
28. Eaten Head (remix par Tec Dix)
29. Gymnopneudie (inédit)
CD 4
01. Gengis Jako (intro)
02. Da Moon (live 1987)
03. Fase 1990
(live 1993)
04. Petite Brouette sans Allumette (live 1993)
05. Freaks (live 1993)
06. Les Captains (live 1993)
07. Crazy Horses (live 1993)
08. A different Man (live 1993)
09. Superstorm (live 1993)
10. Lady Dja Lady (live 1993)
11. Hill House (live 1993)
12. O’Dogo (live 1992)
13. Alpha & Omega (live 1994)
14. Envers et contre Tête (live 1997)
15. Empire Head Building
(live 1997)
16. Tête préparée (live 1997)
17. Eaten Head (live 1997)
18. Head is a Killer (live 1997)
19. Sang, Tête ni But (live 1997)
