Des brumes de Bergen surgissent les esprits mutins, les visions épiques, la tristesse et la magie… Cette atmosphère surnaturelle est parfaitement saisie par la vocaliste Lindy-Fay Hella. Membre émérite du collectif Wardruna, l’artiste trace un sillon personnel à son image : élégant et féerique. Nous avions prisé son Seafarer (2019) et étions donc curieux de la retrouver. Cette fois-ci, elle est accompagnée de Dei Farne, ensemble de trois musiciens qui lui servait de groupe de scène au départ. Hildring ("mirage" en norvégien) est composé de neuf titres aux climats variés. L’ouverture tribale de l’album donne le ton. Nous nous évadons au sein des mystères scandinaves, portés par la voix délicate et puissante de Lindy-Fay. Sa performance est remarquable, entre incantations chamaniques ("Los", "Kjetto", "Gjelet"), vocalises aiguës ("Hildring", "Insect", "Kjetto", "Gjelet") et timbre pop ("Taag"). Hella cite d’ailleurs parmi ses influences Black Celebration de Depeche Mode ou le style Joik des Samis (peuple de Laponie). Il y a du Kari Rueslåtten dans l’air ("Hildring", "Gjelet"), un soupçon d’Aldous Harding ("The Lake", morceau d’une immense beauté), voire du Björk ("Brising"). On pense aussi bien sûr à Myrkur et à la très regrettée Andrea Meyer ("Gjelet" nous rappelle indubitablement Hagalaz’ Runedance).
Hildring se distingue aussi par une certaine audace, en mélangeant harmonieusement sonorités traditionnelles et modernes. Ainsi, l’électronique figure en bonne place au sein d’un écrin composé de guitares, piano, harmonium et percussions. Néanmoins, parfois la sauce ne prend pas. "Los" se dirige vers un ailleurs cinématique trop dramatique pour être sincère et "Brising" propose une world music macabre quelque peu ringarde. Mais ce disque procure des émotions intenses. En témoigne "Kjetto", pièce d’orfèvre, courte, tenant à la fois de Sigur Rós ou d’Anna von Hausswolff pour sa dimension mystique. Un opus résolument fascinant, invitant à la transe et la contemplation.