Fulvio Guidarelli, alias Lisfrank, est un vétéran de la synthpop italienne. Un premier EP, Man Mask, était paru en 1982, ainsi que quelques titres sur des compilations de l'époque, puis le projet est tombé dans l'oubli. En 2009, le label Anna Logue ressuscite l'artiste avec des titres composés essentiellement dans les années 1980 pour la compilation Mask Rewind. En 2014, l'album Elevator signait son retour.
Le label Final Muzik continue depuis à accompagner le musicien, cette fois-ci avec The Human, un CD en édition limitée regroupant onze nouvelles compositions, témoignant d'une inspiration plus sombre, voire existentielle. Bien sûr, le son minimal et synthétique n'est pas laissé de côté et le dancefloor est le mot d'ordre ("The cold Night") mais l'électronique est froide à souhait dès l'introductif "I Hate". Les rythmiques sont plus lourdes, plus industrielles, avec l'utilisation d'un bon nombre de samples vocaux ("The Voices of Tragedy (never forget)") et des climats electro-indus, voire EBM, qu'un Carlos Peron période Impersonator II n'aurait pas reniés ("Feel it (your Body, my Body)"). L'univers est urbain, noir et définitivement atmosphérique ("A dancing Star") jusqu'au long morceau épique de facture plus cinématographique et ambient qui clôt cette odyssée où Fulvio a voulu se questionner sur ce qui nous définit en tant qu'humain ("Mask's Solitude"), d'où les références entre autres à la pensée nietzschéenne ou aux catastrophes contemporaines.
C'est d'ailleurs dans cet univers apocalyptique que l'album est le plus réussi, comme sur "Death's Dance". L'électronique est plus noisy, la voix distordue, les percussions métalliques, dans la droite lignée des disques de The Klinik de la fin des années 1980. Même un titre plus efficace et dans une veine EBM-techno comme "I was looking for me" convainc parce qu'il amène Lisfrank vers des sonorités plus en accord avec ce qu'est son monde musical contemporain. Étrangement, quand il en revient à une ballade un peu mélodramatique typée très eighties ("Greta (my lost Angel)"), ce kitsch ne fonctionne plus avec cette noirceur nouvelle. La disco-pop électronique ("In my Soul") semble, en effet, fade en comparaison aux morceaux plus profonds, mystérieux ou plus cold ("Everything passes"). Dans tous les cas, The Human est un album riche, qui développe brillamment la carrière d'un compositeur qui s'est révélé sur le tard.