Une expérience nourrit communément Michaël de Almeida et Cindy Sanchez (Candélabre). À travers ce qu’en son ils exposent en compagnie des deux autres membres de Lisieux, Christèle (batterie) et Hugo (Hugo Champion, guitariste et en parallèle protagoniste principal du recommandable projet ambiant Ascending Divers), se fixe une résonance toute de pudeur et d’intériorité : celle qui fait la dorure poétique, l’impénétrable mystère. Lisieux : musique émotionnelle, robe de spleen zébrée de fulgurances religieuses, comme issue d’un creusement sacrificiel. Volonté de ne garder que ce qui compte vraiment : beauté ainsi forgée, et l’émotion se transporte.
Une vision se renouvelle et prend chair : Lisieux n’est pas Candélabre, aujourd’hui est un autre temps. Les racines parlent, mais nous sommes ailleurs. Psalms Of Dereliction, de vapeurs et de boiseries : c’est le premier format LP de Lisieux après I (le volume initial cassette, huit titres, 2016). Psalms : bien plus qu’une carte de visite : une affirmation de style.
L’artisanat est précautionneux, manifeste un raffinement. Le spectre sonore, d’une sensualité mystérieuse, ouvre éventuellement les portes de l’élévation ("Memory of Walls", reflets liturgiques : l’un des titres forts, au même titre que "The Veil", que nous repérâmes depuis 2016). Un cœur bat en ces choses et une lumière traverse tout le disque. Palpable est la force intérieure de ces chansons, et la concentration de l’exposé (trente-cinq minutes) n’en fait que davantage ressentir son caractère précieux. Absence totale de déchet : saisissante constance qualitative de l’écriture, de même que marque le sens de la variation du quatuor. Psalms Of Dereliction est une infusion au long cours, et si Lisieux reste dans une certaine retenue et une granulation neofolk (les sobres aplats de guitares forcent le rapatriement au genre, mais la forme n’est pas puriste), la puissance de son apostrophe réside en ce qu’elle suggère.
Et ce qu’elle suggère, se gagne. Magie de l’appel : des volumes harmoniques se créent d’eux-mêmes dans le paysage mental de l’auditeur, à l’écoute par exemple d’ "Adrift". Ornementation additionnelle, finale et intime de ce que la bande égrène – comme un effet de dédoublement : une autre partition qui s’ajoute. Indicible, intransmissible. C’est un fait : Lisieux travaille l’imaginaire.
Le parti pris de leur formalisation se nomme économie. Les pages du carnet de voyage de Lisieux égrènent alors autant d’appels, d’énigmes parfois. Mais que se cache-t-il derrière tout ça ? Le désir naît d’une incertitude et l’ultime billet, "Black Flag", spleen pop radieuse, vaut tous les au revoir.