Ainsi que le pose la (courte) biographie officielle du projet dark ambient incarné par Benjamin Ian Powell, "Llyn Y Cwn (Welsh - lac des chiens) est un petit lac à 715 mètres d’altitude, se situant dans la chaîne de montagnes Glyder (Snowdoina, nord du Pays de Galles)."
Dinorwic, qui paraît chez Cold Spring, témoigne de la volonté du protagoniste principal de capter l’atmosphère d’un lieu. Carrière d'ardoise de Dinorwic au menu de ce sixième opus – et chaque structure sonore a pour titre le nom d'une zone de la carrière. À ses alentours, Powell a enregistré les sources, embruns qui imprègneront les sculptures sonores fixées sur bandes. Éternels bruits de la nature : ceux qui nous survivent à travers les ruines, tels que, dixit Powell, "se rétablissant dans la nature sauvage post-industrielle." Nature abandonnée à elle-même, crevassée par nos besoins et désirs. Les hommes ont puisé la ressource.
Masterisée par Martin Bowes (Attrition - prestataire régulier de Cold Spring) et mise en valeur par un layout signé Abby Helasdottir, cette bande-son ô combien suggestive requiert de vraies conditions d’écoute : hi-fi et isolement recommandés pour immersion maximale. Le travail photographique de Powell, ici présent ainsi que dans les volets du digipack, complète par une action figurative la production intime des images, le film intérieur. C’est une œuvre cinématographique, abyssale, et Powell creuse le son comme il a creusé le lieu : l’enregistrement des sources est lui-même une quête "dans ce vaste environnement souterrain où une cicatrice de roche exposée est creusée à flanc de montagne." La photographie est détaillée et émouvante mais les structures ne sont pas excessivement longues, et seules "Llwybr Llynog" et le final "Vivian" se distinguent à ce sujet.
Dinorwic, c’est l’atmosphère d’un lieu. Les six plages qui composent cet album transmettent le grondement de la nature, les bruits qui restent de l’occupation par les hommes. Ainsi Powell évoque-t-il à travers ce travail d’ambiances un "paysage (…) en état de flux constant via des petites avalanches de roches et d'ardoises de déblais qui tombent sur lui-même – (…) glissement de terrain qui éventuellement conduit à la disparition de la carrière."
Glissement, craquements, grondements. La couleur est fatalement sombre, quand perceront çà et là quelques rayons de lumière, caressant ces paysages minéraux emmitouflés dans le brouillard et le vent.
