Travail de mémoire et introspection sont à l’honneur cette année pour Lycia. Après la réédition en vinyle de Ionia, leur premier album séminal, la formation américaine fait paraître Casa Luna chez Avantgarde Music, contenant deux morceaux originellement composés en 1989 ("Except" et "Galatea"). Il s’agit d’un EP spectral de six titres, chargé de contrastes, mais toujours aussi évocateur.
Entourés de John Fair et David Galas, Tara Vanflower et Mike VanPortfleet distillent une musique résolument douce-amère. Entre retour vers un passé légendaire ("Salt & Blood"), propulsions cosmiques et danses macabres, ce format court enchante et complète idéalement leur dernier opus, In Flickers. Les vapeurs marécageuses montent, tranquilles, languides, le temps de "A quiet Way to go", pièce ethereal classique évoquant Love Spirals Downwards. Les voix se succèdent, lointaines, bienveillantes, mystérieuses. Le climat change ensuite. "Do you bleed?" est porté par un souffle électronique nauséabond. Une vignette vaguement indus, mal dégrossie. L’image se brouille, donnant aux incantations de Tara un aspect grotesque. Passons. "Except" charme et nous invite à nous déhancher dans un club goth prohibé. Le beat réconforte et le chant de Mike inspire et apaise.
Puis le voyage onirique commence. La guitare nous embarque dans une aventure céleste, pleine de réverbération, consciente de son pouvoir de séduction. Des heavenly voices surgissent, hissant l’hypnose au rang d’art sonore. Les mélopées s’entremêlent alors, la lumière vacille, mais devient clarté divine sur "Galatea". Une influence flamenco se discerne sur "Salt & Blood" et les élans ambient discrets mais efficaces rappellent l’amour que VanPortfleet porte à ce genre (cf. l’excellent Beyond The Horizon Line). Lycia prouve une nouvelle fois son talent pour créer des atmosphères d’un autre monde. L’ensemble de Casa Luna possède cette vigueur calme et cette volonté de tracer des chemins accueillants mais déroutants par moments. Une jolie sortie, recommandée pour les fans.