All The Ghosts Are Gone est un disque sombre, expérimental, chargé d’une profonde mélancolie. Premier opus de Martina Bertoni, violoncelliste basée à Berlin, il s’impose par son charme vénéneux, propageant sa douce tristesse le long de huit plages hypnotiques.
Il se démarque aussi par son background, l’histoire mouvementée de sa composition. En effet, la musicienne faisait face à un épisode dépressif majeur. Écrire cette musique, décrire ses émotions, lui ont permis de progressivement sortir de cette torpeur handicapante.
Une démarche qui nous rappelle celle en son temps du compositeur italien Giacinto Scelsi. Le violoncelle sert ici d’instrument vibrant, au son déconstruit. Les harmonies et mélodies sont absentes, ce qui compte c’est les textures. Si quelques trames subsistent de-ci de-là, nous sommes immergés dans un univers sonore dense où drones, nappes macabres et noises flottants nous accueillent. Une balade éprouvante, l’écho instrumental d’un mal-être pleinement perceptible. Les schémas dark abondent, particulièrement sur "Transparent:Closeness", "Impossible Routines" et "Invisible Cracks".
La force de cette œuvre réside dans cet impressionnisme brumeux, les cordes nous étreignent au même titre que l’électronique qui s’impose petit à petit, car la vie n’est pas absente non plus. Des pulsations apparaissent sur "Stuck out of Lifetime", s’épanouissent sur "Blu", créant alors une phase rythmique bienvenue, avant de revenir sur "Notes at the End of the World", seul morceau lumineux de l’album (sur lequel on entend également une voix masculine déclamant un texte).
Ce qui caractérise aussi All The Ghosts Are Gone est son aspect cinématique : il s’agit d’une véritable bande originale imaginaire, ou disons-le, autobiographique. D’ailleurs, la musique de Bertoni se retrouve dans plusieurs films ou séries. L’ensemble est pleinement cohérent, élégant, porté par une foi sincère dans l’art d’émouvoir. Une bien belle sortie (NB : uniquement en cassette et numérique) pour commencer la nouvelle décennie.