Il y a quelque chose qui vous pétrifie dans ce premier album de Maschinenzimmer 412, publié à l’origine en 1988 et en toute petite série : une cinquantaine de copies sur Mechanik Cassettes, petite maison spécialisée créée par Petter Marklund (de Memorandum). Une austérité générale du propos : ces rythmiques implacables, leur frappe sèche, un sentiment d’approcher le néant. Variations de noir qui ont permis au trio d’origine de toucher les "spécialistes métier" les mieux placés à l’époque pour donner à cette intention l’écho qu’elle mérite : Cold Meat Industry, en effet, a été la première maison "d’envergure" à défendre le ténébreux propos d’avant-garde tenu par les futurs MZ.412. Roger Karmanik, le boss, avait du nez, c'est sûr.
Il y a la noirceur d’un rituel dans Macht Durch Stimme ("Aptionstheorie"). Il y a aussi la froideur de ce son industriel, née d’une familiarité éprouvée avec le design sonore radical de formations telles que Throbbing Gristle ou SPK. Les années 1970 de ces activistes n’étaient pas forcément que celles de Kiss ou Led Zeppelin. Dès le départ, Maschinenzimmer 412 veut une expérimentation détachée (pour ne pas dire défiante vis-à-vis) de l’emprise des textes, une distanciation du corpus chrétien. Ils ne prêchent rien. Cette attitude, cette philosophie ont été une constante et jusqu’aux dernières parutions en date de MZ.412, Nordvargr n’a au fond pas varié dans son discours. En 2001 encore, il déclarait à Heiko Meyer de Pagan Dance : "nous essayons de nous éloigner des valeurs et de la morale chrétiennes ; nous nous réalisons en tant que maîtres de notre propre réalité et la façonnons selon notre propre volonté."
Macht Durch Stimme est clairement une démonstration de volonté. Le son est opiniâtre, d’une grande froideur. Dans sa martialité, sa répétitivité, son insistance, la percussion contribue à définir les reliefs les plus saillants – les plus "spectaculaires", si le terme peut être utilisé – de ce design sonore ("Ecaf Dloc", "Sequela"). Mais les futurs MZ.412 n’impressionnent pas que par leur percussion. Ils travaillent aussi une matière, en tirent une sculpture bruitiste et suggestive (le titre bonus "Rood"). Cette dernière évoluera ensuite vers des formes plus ou moins détaillées, introspectives mais toujours empreintes de cette double idée d'ouvrir un espace et d’oppresser par le son, le rythme. Un bruit de métal.
Avec Macht Durch Stimme, vous revivez aujourd’hui les origines de l’intention que portaient à l’époque Henrik Nordvargr Björkk, Jouni Ulvtharm Ollila, et Leif Holm (Pouppée Fabrikk) – avant que les choses bougent, que le nom se réduise. Pour cette ressortie, le son des Suédois a entièrement été nettoyé et remasterisé par Martin Bowes (The Cage). Le nouvel artwork, beau lui aussi, est signé Abby Helasdottir (Gydja).
