2020 : Maserati (Athens, Géorgie) accuse pile vingt ans au compteur. Le groupe que nous avions découvert non pas aux tout débuts mais avec le marquant Inventions For The New Season (2007) restait celui d’un son ancré dans les seventies, épris de psychédélisme et mû par un feeling vintage. C’était, disons-le, floydien en diable.
La suite a progressivement botté en touche toute tentative de flatterie en provenance du camp conservateur : Maserati n’est pas – et loin s’en faut – une entité figée en posture. La technologie a mis son grain de sel et le son du combo, tout en restant fidèle à l’idée d’un rock planant et physique, s’est déplacé. Une forme a été prise que, ces dernières années, certains qualifient parfois et en substance de "plus dans son temps." Ce n’est ni bien ni mal, c’est surtout comme ça.
Ce commentaire ne sera pas spécialement démenti par la teneur du dynamique nouvel opus, Enter The Mirror, concocté par les musiciens qui ont survécu à tout : Coley Dennis, Matt Cherry, Chris McNeal, Mike Albanese. Cinq ans après Rehumanizer, Maserati continue de faire du rock, mais à sa sauce : reflets kraftwerkiens, digitalisme, héroïsme ; et persistance, oui, du psychédélisme. Ça, c’est surtout dans les guitares qui volent, tout en donnant le sentiment de savoir pertinemment où elles vont. Six-cordes sûres et frondeuses, en greffe au digitalisme.
Produite par John Congleton (Explosions In The Sky, Swans), agrémentée de la présence de plusieurs guests (dont Bill Berry de R.E.M. et Owen Lange), cette collection "dystopique" – et dont l’une des thématiques de fond signalées est la perte de contrôle – a aussi ce petit quelque chose de figé et robotique qui fait sa marque. Fond n’est pas forme, et la contemplation de toute sa surface nous laisse le sentiment d’une musique très... contrôlée. Une énergie se gère, et c’est ce qui extirpe Enter The Mirror d’un cliché 70’s dans lequel le groupe aurait pu se risquer à perdurer après 2007.
Le deuil d’un revival est largement fait, mais certaines épaisseurs nous ont d’abord obligés à garder distance vis-à-vis du cru 2020 : le début de l’album, que marque ce feeling robotique, ne forge pas les épaisseurs que nous garderons le plus volontiers. Enter The Mirror c’est pour nous, d’abord et en substance, la juste place des voix et surtout la force de couleur de moult tournures et riffs : Maserati est physique et veut plus que jamais s’emparer des corps, alors dansez ("Empty"). Rutiler, on le sent, est un jeu : le groupe revendique fièrement s’être nourri aux "guitares pleines de chorus d’INXS" – et c’est sans doute lorsque Maserati se veut spatial, direct et épique que nous le rejoindrons le plus ("Killing Time").
Au bilan, le quartet ne s’est pas arraché à sa nature, et l’ordonnancement du tracklisting le dit. Un groove assis et floydien reste prégnant et, surtout, conclut l’album : c’est le début de "Wallwalker", avant que le son mue vers un disco-rock groovy et digitalisé. Ce sont les strates du mouvement : il est permanence d’une nature dans la mutation, et le reniement est une tout autre histoire.