Retour de Maud Geffray et c'est un nouvel ensemble de compositions pop-dance fraîches rehaussées d’une dose de mélancolie qui s'installe dans la platine. C'est une nouvelle fois accrocheur avec des gimmicks séduisants (proches de ceux développés par Austra) comme sur "Break", tapageur et calibré club. Sauf que Maud, héritière de Scratch Massive, ne fait pas dans le tube de l'été, mais dans son cousin qui reste dans le coin et surgit quand le spleen assaille. Belle soirée, mais quelque chose est là, tapi, qui rôde et salit le petit bonheur puis l'étrangle avec un sanglot.
Depuis 2015 et le lancement de sa carrière solo, elle ne s'est pas restreinte : hommage à Philip Glass, remix du thème de la B.O. du film culte Le Grand Bleu, pont vers les rave-party sur les plages, B.O. pour Zoé Cassavetes et Nicolas Peduzzi... Cette fois, elle invite Rebeka Warrior (Sexy Sushi, Kompromat, Mansfield.TYA, sœur de cœur) pour un titre qui doit pas mal à Mansfield.TYA. Léger et noir, comme de coutume, dans l'optique du tube acide qui fait mouche. Toutes les deux se rejoignent sur cette idée de l’insomnie, d’aller chercher ses limites au bout de la nuit. Plus loin, on appréciera fortement "Skin", bien plus new wave, léger et lourd, évanescent et ancré par sa basse bondissante et répétitive. Un titre tout en départs et ralentissements. "Way out", avant-dernier titre, pose également des bases rêveuses et tendres, dégagées du quotidien et des ennuis.
Cette fois, l'album se vit comme une juxtaposition de pistes, bien plus que pour Polaar ou Still Life qu'elle avait conçus comme des blocs parcourus de tensions mouvantes. Avec cette nouvelle page blanche, Maud a souhaité composer des pistes différentes dans un concept-album : une journée traversée d'états émotifs variés avec un début et un final. Entre les premières touches et l’achèvement, c’est un processus de deux ans qui s’est tenu en compagnie du producteur Krampf. On retrouve d’ailleurs Krampf en signature sur "P.L.U.R.", délicat, cotonneux, aux sonorités plus acides, ludiques et provocatrices (la fête foraine et la déprime se fragilisent et se renforcent). Un contrepoint au final plus étouffé et solitaire de "Dark Paradise", planant et émouvant.
La notion d'équilibre est alors fondamentale pour saisir ce travail. "Blue Heroin" prend le contrepied avec une ritournelle en mode mineur et des nappes de clavier mortuaires tandis que flotte la voix angélique, éthérée et spectrale. Plus tôt, "Fallin", pièce composée après l'annonce d'un décès, se faisait langueur et tristesse en attendant une élévation dans sa conclusion ; si le vocoder énerve, il est aussi là pour installer un recul, y compris avec les émotions les plus sérieuses. Se jouer de la mort, c'est être en vie et l'on a le droit de rebondir pour célébrer l'Autre.
Quand s'enchaîne "Don't need", clubby à souhait, la balance redescend avec des lignes vocales douce-amères, une plainte solitaire affirmée, dans une optique à la Wendy Bevan. Les codes sont faits pour être détournés, mais avec l'instinct, la passion. Maud ne joue pas à intellectualiser sa musique, elle la vit et sait la faire jaillir comme il se doit, sans réfléchir à l'excès. Le cadre est donné, le concept global, le travail quotidien, les ébauches et les échos. C'est ensuite le morceau qui guide et prend le pas, instaurant son climat, forçant Maud à penser à ce satané ensemble et au rééquilibrage indispensable selon elle pour que tout Ad Astra sonne et interpelle.