La délicatesse est de mise avec ce nouvel album de Maud Geffray (Scratch Massive).
Basé sur un hommage voilé de gris à Philip Glass, les titres natures loin d'être mortes de Still Life dégagent des ambiances de Mer du Nord. Les reprises des thèmes des disques The Photographer et Einstein On The Beach sont débarrassés de leurs pointes les plus abrasives (la répétitivité de la musique sérielle, les audaces sonores) et actualisés dans une optique proche de celle qui a conduit autrefois le projet Nouvelle Vague. Ainsi lissés, les morceaux (qui ont souvent changé de titre, n'utilisant plus l'appellation originelle présente sur les disques de Glass) ont perdu de leur atemporalité, mais y ont gagné en douceur ; et l'ensemble, agréablement enchaîné titre après titre, construit une fluidité qui détend, qui apaise et qui, reconnaissons-le, charme rapidement.
Les sons s'organisent spatialement, le jeu avec la durée crée des attentes et les satisfait, se permettant, lorsque le climat se fait trop serein, de générer une pointe d'agacement et d'impasses ("Frame" et ses notes façon drone et larsens) ou alors les sons s'amusent, en mode techno soft à suggérer une musique de club triste (le groupe Trisomie 21 n'est pas très loin le temps d' "Exposed"). Les quelques paroles et mots sont posés, récités, psalmodiés, jamais chantés au sens strict (le très envoûtant "These are the Days").
Après Polaar en 2017, album qui était une commande du Louvre, Maud se paie Glass. En novembre 2017, elle débutait cette nouvelle aventure au festival Variations, par une performance avec la harpiste néerlandaise, Lavinia Meijer : à La Cigale, toutes deux avaient joué du Glass.
Aujourd'hui sort l'album, parsemé ici et là des notes jouées à la harpe. Cette astuce et ce coup de cœur (car elle aime ces disques) lui permettent de rendre populaire une musique cantonnée aux happy-fews connaisseurs. Les tonalités électroniques transforment le cérémoniel romantique original en évocations ambient et synth-wave. Une nouvelle fois, la mélancolie rafle la mise, joliment troussée pour ne pas basculer dans le superlatif ("Still Life", moment de grâce). Ces huit titres sont habités et ludiques, et ce n'était pas une mince affaire que de réussir à donner chair et âme. Réalisé par Kevin El Amrani-Lince, un film "expérimental, impressionniste et contemplatif" (dixit le dossier de presse) accompagnera ce nouvel album.