Voici un split album en vinyle fort enthousiasmant. Deux projets très différents mais qui finissent par se compléter, le tout joliment enveloppé dans une couverture signée Stéphane Blanquet. Tout d'abord, Meira Asher et Uri Frost sont des musiciens actifs depuis une trentaine d'années. Ils nous livrent ici quatre pièces sonores, qui s'enchaînent comme des mouvements. Des soupirs jusqu'aux incantations de "Delete", la voix grave, rocailleuse et hypnotique de Meira Asher n'est pas sans évoquer Nico, Annie Anxiety ou Lydia Lunch, accompagnée d'environnements évocateurs, sombres et bruitistes. Le multi-instrumentiste Uri Frost manipule, quant à lui, les fréquences, interférences, drones, guitares noisy, boucles, saturations et réverbérations pour nous plonger dans des ambiances torturées, noires, et finalement très rituelles. Frost sait tirer une grande poésie de toute cette masse de sons et apporte un canevas idéal aux textes d'Asher.
La face dédiée à l'artiste prolifique Tzii va creuser encore plus cette dimension de rite sacré et inquiétant. On pense même à Hybryds, Zero Kama ou Inade. Une voix d'outre-tombe introduit cette pièce de plus de dix-sept minutes par des "She smiles... then she dies". La répétition donne d'emblée une teinte funèbre à l'ensemble. Des bombardes semblent sortir des enfers. Les voix se multiplient et se décomposent. Les sons créent l'hallucination, grincent, se contorsionnent. Entre tensions harsh et silence, c'est un voyage passionnant que Tzii nous propose. Le disque se situe ainsi entre le dark ambient et des bidouilles totalement hantées qui peuvent rappeler les grandes heures des créations électroacoustiques pour le format radiophonique. On imaginerait d'ailleurs fort bien une compagnie de danse contemporaine se mouvoir sur ce genre de musiques, où le bruit se travaille comme dans des compositions de musique classique.
