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Album
10/09/2020

Mephisto Walz

All These Winding Roads

Genre : gothic / death rock
Date de sortie : 2020/09/02
Note : 75%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Bari-Bari, alias Barry Galvin, est un vétéran des scènes gothic / death rock. Il a fréquenté du monde, aidé pas mal de gens mais s'est toujours réservé un terrain de jeu en propre. Mephisto Walz est son joujou, et a sa réputation : son heure de gloire date des années 1980/1990, quand il ressort aujourd'hui de cet underground américain vers lequel on se retournera toujours volontiers. Pour sa force d'inspiration, ou juste histoire de humer le parfum des racines. Underground culte, de beaux restes, une peau de serpent.

La marque Mephisto Walz (comprenez Barry et les gens dont il s'entoure au gré du temps) date : elle a germé de l'esprit de l'ex-collègue de Galvin, Johann Shumann (membre originel de MW et ex-Christian Death, tout comme Barry). Mais le travail sur la musique, pour sa part, est de tout temps resté affaire maîtrisée ou dirigée par le leader.

Sous le nom Mephisto Walz, le compositeur originel continue de produire et sortir de nouvelles choses en 2020. All These Winding Roads, successeur de Scoundrel (2017, avec Myriam Galvin et Omar Madrigal Izzo) inclut des morceaux enregistrés sur plusieurs époques, présentant des atours à la fois élégants et une colorimétrie typée.

Mais Galvin est un être libre, et les conventions ne valent que si on les écorne. Le fondateur du projet death rock manifeste aujourd'hui quelque désir de fantaisie, et se réserve espaces en ce sens. La reprise d' "Apache", écrit par Jerry Lordan et popularisé par The Shadows en 1960 puis par le guitariste jazz Jørgen Ingmann un an plus tard, donne indice sur l'humeur : Galvin n'a pas peur de s'attaquer aux montagnes, et se fiche comme de l'an quarante de la perturbation susceptible d'être engendrée dans l'esprit de la fraction puriste de l'auditoire. La pureté, mythe trop dangereux pour ne pas être écorné de temps à autre.

La fantaisie ne s'arrête pas là. Sur ce disque, Mephisto Walz, plus qu'à l'accoutumée, s'affirme en entité collaborative. Il confirme ainsi l'élan créatif dans lequel se trouve actuellement le seul personnage permanent de cette histoire démarrée en 1986. Ces derniers mois, notre homme postait régulièrement de nouveaux titres / démos via la page FB officielle du projet (liens désactivés à ce jour). Couleur annoncée : foule de voix seraient invitées à servir l'intention. Dont acte. Pas moins de cinq gorges, sans compter la sienne sur le final "Suntanned Satans", servent les compositions : celles de Mari Kattman (Day Twelve, Mari & The Ghost - image ci-dessous), mais aussi V. Campbell, l'historique Christianna (ah ?  oui oui - sur une rafraîchissante vieillerie), Alastrelle Delyon (Dead Souls Rising) ou encore Joanna.

Florilège d'intentions, et résultats à l'intensité aléatoire. Nous citerons pour l'exemple l'acidité rock de "They'll never find you" (Mari au chant), "When no One's left to hear" (grand refrain, Campbell donne belle voix) ou "Firefly" et son enveloppe cosmique (Joanna derrière le microphone). "Firefly", émotion.

"Skin", le morceau qui lui succède, est une reprise assez flamboyante et qui a figuré sur l'ancien tribute to Madonna Virgin Voices (Christianna au chant donc, enregistrement originel en date de 1999 : un point de repère supplémentaire dans cette histoire). Le choix pourrait surprendre, mais le morceau s'insère naturellement dans le tracklisting. Il fait lien en même temps qu'il rappelle un cadre esthétique référentiel, et démontre un choix de récurrence sur l'art de la reprise. Soupe d'origines et d'influences.

Avec "Skin", Mephisto Walz est en état de splendeur typologique, pour une fin d'album en forme d'acmé. Les derniers instants marquent mémoire, et Galvin soigne les effets.

Car sur le fond, il faut rendre hommage à cette manière dont le fondateur assied et raffine des guitares auxquelles le mix, par le passé, n'a pas toujours rendu toute la justice qu'elles méritaient. Certains enregistrements originaux ont, pour cette raison, été retravaillés sur le tard, du moins lorsque le leader le jugea utile. Sur All These Winding Roads, œuvre de justice est faite, et les amateurs de précision et d'acidités trouveront matière à apprécier.

Ces guitares trouvent parfois une respiration plus pop en 2020, tout en restant dans cette tonalité venimeuse ("Like the Wind", réussie, avec Alastrelle au chant). Au bilan : All These Winding Roads n'est sans doute pas le disque le plus uni du fond de catalogue, ni en intention ni en style ; mais une collection inventive, assez forte en mélodicité et relativement surprenante. S'y manifeste surtout un appétit de faire les choses, signe d'une bonne santé dans des formes que traverse aussi l'instinct de conservation. Esprit de la marque, sempiternel.

Tracklist
  • 01. The Lost and Haunted
  • 02. They'll never find You
  • 03. Stop in the Name of Love
  • 04. Is this really My Life
  • 05. Apache
  • 06. When no One's left to Hear
  • 07. Like the Wind
  • 08. Here lies Forever
  • 09. Firefly
  • 10. Skin
  • 11. Suntanned Satans