Somekilos et Phil Von donnent enfin une suite à metameat (2016). Le travail est plus axé sur la tribalité, quand bien même on sent cette fois, ici et là, des clins d'œil à The Atlas Project ("Resurgent" qui ne cesse d'aller et venir) ou à une abstraction synthétique proche des univers de Somekilos ("Primitive", malicieux et reptilien...). L'univers de référence est donc ethnique, tribal et électronique. On y retrouve du Von Magnet et aussi des recherches à la Muslimgauze, Zoviet*France ou encore Esplendor Geometrico dont Somekilos est fan de longue date.
Le résultat de cette composition à deux se déploie, organique, mental et électronique, terriblement in-ouï et familier. La magie est dans le détail comme le long de "Trampled" avec ses vocalises : c'est l'exotisme et le déjà entendu dans le même temps, l'impression constante que tout cela est naturel et que cette musique fait partie de nous.
Les rythmiques sont travaillées (les contretemps évidents de "Proie"), hypnotiques et chamaniques, avec ce soupçon de décalage qui ouvre porte au plaisir ("Animal" et ses souffles chaleureux). Combien d'heures de travail, de programmation, d'improvisation puis de sélection pour aboutir à une structure fixée une fois pour toutes ? Eux ne comptent jamais. Les instrumentations se croisent, jouent avec les vocaux, imposant un hors-lieu et un hors-temps. La viole de gambe électrique qui apparaît sur "Dichotomy" n'a pas d'âge, même si elle évoque un peu Tuxedomoon (une référence pour les deux artistes). C'est une créolisation, pour reprendre ce bon vieux terme de Glissant, Chamoiseau, Bernabé et Confiant : "Vagabond" est un "Passenger" sans parole, technoïde et traditionnel, un voyage autant qu'une halte dans une oasis interstellaire improbable dans laquelle on se sent bien. Peu importe qui joue, où et quand ; que ce soit dans la grotte de Niaux en -13.000 ou sur une exo-planète, on se laisse happer par un enthousiasme et des volutes qui se soutiennent et engagent un dialogue. C'est à la fois violent (ah, ça ! pour tabasser, ça tabasse...) et plein de douceur, "percussif et harmonique" ainsi qu'ils le définissent (interview à venir sur Obsküre). Alors que "Primitive" fait sonner cloches, tambours, drone et cris, "Downrising" s'amuse à pousser plus loin l'écho électronique ; sons saturés, pulsations et nappes, tambourin retravaillé. Rien n'est figé, tout se transforme en direct, se nourrit d'une idée, bascule sens dessus dessous, unissant intimité et extériorité.