Et donc, ils ont remis le couvert.
Vingt ans ans après l'expérience symphonique S&M, prestation d'envergure (film, son) et orchestrations supervisées par feu Michael Kamen (parfois encombrantes ou superflues, quand d'autres réussissaient bigrement au groupe), Metallica présente S&M2. Nouvelle expérience symphonique, et bilan au moins aussi nuancé que pour la première expérience.
Cette fois, c'est la formation orchestrale du San Francisco Symphony qui s'y colle, les 6 et 8 septembre 2019 au Chase Center, sous la conduite d'Edwin Outwater, plus une apparition spéciale de Michael Tilson Thomas en introduction de la deuxième phase de la performance.
Les points communs entre S&M et S&M2 ne jouent guère en faveur de la seconde expérience. La plupart des réorchestrations ne sont pas forcément à l'avantage des versions revues. Evidemment raffinées (vous n'imaginez pas à quel point certaines personnes peuvent être compétentes), elles créent le confort attendu... à ceci près que plusieurs problèmes encombrent cette facette de l'enregistrement : la plupart des orchestrations de Kamen étaient certes mastoques mais plus spectaculaires, donnant en outre l'impmression d'être mieux senties. "The Ecstasy of Gold" et "The Call of Ktulu", exemples symboliques, avaient cette superbe qu'ils ont un peu moins sur la version 2020.
Sur le plan du relief sonore, Il y aurait aussi à redire sur le mix du nouveau live. Certaines guitares, heureusement pas trop nombreuses, sonnent presque fond de cave et si les compressions de rigueur dans le metal ne jouent pas forcément en faveur de la mise en valeur des parties orchestrales, la force d'impulsion créée en communion par le groupe et l'orchestre était elle aussi plus éclatante sur le S&M de 1999 (réédition : 2011).
C'est donc dans les différences entre le premier cru et ce nouveau S&M qu'il faut aller chercher les véritables trésors ou sources d'intérêt. Les surprises se trouvent majoritairement sur le deuxième volume du live, où Metallica ose un certain nombre de choses. Le groupe sort d'abord de ses zones de confort en proposant une première partie de seconde phase de concert mémorable (l'orchestration purement prokofievienne de la "Scyhtian Suite Opus 20 - II", suivie du mix rétrofuturiste / metal appliqué au travail d'Alexander Vasilevich Mosolov, "The Iron Foundry Opus 19"). À ce moment précis, Hetfield & co. entreprennent quelque chose d'inédit, font montre de courage artistique et arrêtent (enfin) de rabâcher les schémas, donnant à saisir angle sur son art pour le moins inattendu.
L'hommage qui suit à Cliff Burton est lui aussi un moment intense, surtout en format vidéo ("(Anesthesia) - Pulling Teeth", dialogue entre le formidable contrebassiste Scott Pingel et Lars Ulrich). Enfin, la version purement orchestrale de "The Funforgiven III", surplombée du chant habité d'Hetfield, est un moment de bravoure, tout comme celle qui suit de "All within my Hands". Bien arrangée, très américaine, suintant d'échos country.
Le reste confine plus à une redite sans forcément qu'elle puisse se targuer d'amélioration... ce qui ne fait pas forcément de ce double album quelque chose de dispensable ou de raté. (Vous ne nous aurez pas au jeu du noir ou blanc, nous avons un peu passé l'âge du binaire.) Il n'en demeure pas moins : l'intérêt éprouvé vis-à-vis de ce S&M2, le film (vu sur grand écran il y a quelques mois, et qui nous laissait déjà circonspect sur les points évoqués ici) comme le live audio, restera relatif.
Un exemple de détail qui peut gêner : quel intérêt, honnêtement, y a-t-il à conserver sur la version audio les prises de parole grandeur XXL de certains acteurs de la soirée ? À débattre.
Il y aurait ensuite à redire - mais nous aurions l'impression de rabâcher - sur la légèreté rythmique de Lars Ullrich, que l'on a certes vu en pire situation que sur cet enregistrement à enjeu collectif fort.
Heureusement (et comme souvent) James Hetfield rattrape beaucoup de choses, sans parler de la qualité de sa performance vocale, très correcte encore sur cet enregistrement. Mais voilà : certaines versions du S&M originel (et notamment toute sa phase introductive, superbe et nous n'en démordrons pas), restent à ce jour - dans le genre - intouchables... notamment lorsqu'elle concernaient le fond de catalogue d'une deuxième partie de carrière pouvant paraître à certains - dont nous - moins intense voire dispensable ("Until it sleeps" et surtout "Outlaw Torn" étaient simplement superbes dans la version orchestrale de 1999).
Le mitigé emporte l'humeur. On ne peut pas toujours se refaire, ni se planter non plus. S&M2 : un volume digne d'intérêt à certains égards, malheureusement pas immense et loin de là.